Ho Manh Trung
Résumé :
Résumé :
L’article
a pour but de présenter aux lecteurs de langue française le thème qui englobe
essentiellement les notions de Zhēn rén 真人 [en vietnamien :
Chân nhân] : Humain véritable
et de Chéng 诚 [Thành] : Sincérité, perfection humaine.
Une étude de type lexicologique portant sur les mots
français : authentique, sincère, loyal a permis de considérer les mots :
« authentique » , « authenticité » comme des
outils provisoires utiles pour présenter les notions de Zhēn rén et de Chéng
auprès des lecteurs de langue
française.
Un
recensement des mots chinois et vietnamiens, en relation avec la notion
d’authenticité et des notions connexes a été fait ; à côté des mots :
-Zhēn[Chân] = Véritable ,
-Chéng [Thành] = Sincérité,
perfection humaine,
le mot
-Shí 实[Thực] = Plein, réel
joue aussi un rôle important ; ces trois mots forment
entre eux et aussi avec d’autres tels que :
Yì意 [Ý] = Intention ;
Xīn心[Tâm]=Cœur, Esprit ;
Xìn信 [Tín] = Fidélité à un engagement ;
foi, confiance
…
de
nombreuses expressions binaires très utilisées, comme par exemple :
-Zhēn
shí 真实 [Chân thực] = Vrai ; véritable ; réel ;
authentique
-Zhēn
chéng 真诚 [Chân thành]
= Sincère, honnête, authentique
-Chéng
xīn诚心 [Thành tâm] :
Sincérité, sincère, sincèrement , de tout cœur
-…
La notion d’Humain véritable a été étudiée ensuite dans le Laozi
et le Zhuangzi. De même, les notions d’autonomie humaine et de Chéng : perfection humaine ont été étudiées dans Les
Entretiens de Confucius , le Livre de Mencius et le Zhōng Yong, (Application constante de
la centralité ou Application constante de ce qu’on a dans le
coeur ).
Le message de ces textes est clair : L’être
humain vit et pense par lui-même ; c’est à lui de préserver son esprit, de
se garder de toute aliénation. C’est à chacun de penser l’authenticité et
d’établir sa propre destinée.
Cette
autonomie de l’être humain, affirmée par des textes existant avant l’empire, a
été occultée, pendant plus de deux mille ans, par une alliance entre des
lettrés-fonctionnaires et les dynasties régnantes de différents pays. Il est
temps d’en sortir.
[Pour
une prise d’information rapide, il est possible de poursuivre la lecture par le
paragraphe : 5. Discussions. Conclusions.]
Mots clefs : authenticité humaine ; homme
véritable ; taoïsme ; confucianisme ; culture chinoise ;
culture vietnamienne ;真人 ;
诚 ; chân nhân ; lòng thành.
1. Introduction.
L’authenticité
en tant que qualité de la personne humaine est devenue, au cours du vingtième
siècle, une valeur dont on parle de plus en plus en Europe et en Amérique du
nord . Mais elle n’est pas encore bien définie.
En
Extrême-Orient, le Livre de Mencius ( Meng Zi 孟子, en vietnamien :Mạnh
Tử) et le Zhōng Yōng 中庸[1] [Trung dung] ,
ouvrages rédigés plusieurs siècles avant J.C. traitent de la notion de Chéng 诚 [Thành], mot
que François Jullien[2] et Anne
Cheng[3]
traduisent, à la fin du 20ème siècle, par authentique ou
authenticité ; Anne Cheng associe aussi cette notion à l’idéal taoïste de Zhēn
rén真人 [Chân nhân] , expression qu’elle traduit
par : « homme vrai ».
Une
étude de ces notions dans les cultures chinoise et vietnamienne peut donc
apporter un éclairage intéressant pour définir cette notion d’authenticité
humaine.
Comme notre article est en français, nous allons chercher
d’abord, dans des dictionnaires de la langue française et ouvrages de même
nature, quels sont les sens précis des mots « authentique », « sincère »
et « loyal », mots pressentis comme pouvant être des outils
provisoires utiles pour présenter les notions de Zhēn rén et de Chéng
auprès des lecteurs de langue
française.
Ensuite,
une recherche permettra d’identifier, dans les langues chinoise et vietnamienne
les mots et expressions qui exprimeraient des notions qui entreraient dans le thème défini
de façon souple par les expressions Zhēn rén [Chân
nhân] et Chéng [Thành],
thème que nous convenons d’appeler
celui de l’Authenticité humaine. Ce travail sera effectué en deux étapes ;
dans un premier temps, pour établir la
correspondance, entre notions françaises et notions chinoises ou vietnamiennes,
il sera fait usage de dictionnaires bilingues dans les sens
chinois-français et vietnamien-français et dans les sens
inverses ; dans un deuxième temps, l’usage de dictionnaires unilingues
chinois-chinois et vietnamien-vietnamien permettra d’étudier les définitions de
ces notions fournies dans ces langues.
Après
ces études de nature lexicale nous étudierons des textes de penseurs de l’antiquité
extrême-orientale traitant de ce sujet.
2.Sens des mots « Authentique » , « Sincère » et « Loyal » selon des dictionnaires de la langue française, le Vocabulaire technique et critique de la philosophie et l’Encyclopédie de l’Agora.
2.1 Sens du mot « Authentique » selon le Petit Robert.
Le Petit
Robert , édition 2008, donne pour cet adjectif les définitions
suivantes :
« 1°
Dr. Acte authentique (opposé à acte sous seing privé) :acte
reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte
a été rédigé, et avec les solennités requises. …Testament authentique.- Par
ext. Qui est attesté, certifié conforme à l’original. Copie authentique.
2°
Qui est véritablement de l’auteur auquel on l’attribue. …
3° Par
ext. Dont l’autorité, la réalité, la vérité ne peut être contesté. …Fait,
histoire authentique … .
4°
Conforme à son apparence.> vrai. Un diamant authentique. C’est un
authentique crétin.…
5° (1923)
Qui exprime une vérité profonde de l’individu et non des habitudes
superficielles, des conventions.>sincère ; juste, naturel, vrai. « Je
crois que les sentiments authentiques sont extrêmement rares et que l’immense
majorité des êtres humains se contentent de sentiments de convention qu’ils
s’imaginent réellement éprouver » (GIDE).- (PERSONNES) Il n’est pas
très authentique.> sincère, vrai.
6° Mus.
Se dit d’un des modes du plain-chant….
CONTR.
Privé. Apocryphe, falsifié, faux, inauthentique. Douteux, incertain, irréel. Affecté,
conventionnel. »
Les
sens 1°, 2°, 3° et 4° concernent les cas des actes juridiques, des écrits, des
documents, des œuvres, des histoires, des faits, des objets… ; le facteur
important qui intervient dans ces cas est la conformité entre ce qui est
rapporté, prétendu et la réalité (un fait, une histoire authentique, un tableau
authentique du peintre X, …) ou la conformité entre ce qui est présenté,
réalisé… et un modèle donné (par ex. une cuisine française authentique) ;
dans le cas 1° c’est l’établissement de l’acte en conformité avec des
prescriptions légales qui donne à l’acte son caractère d’acte authentique.
C’est
le sens 5°, daté du 20ème siècle et relatif à la personne humaine
qui nous intéresse ; la définition donnée par le Petit Robert
montre que le problème est complexe ; si nous voyons assez bien ce que
sont les « habitudes superficielles », les « conventions »
, la « vérité profonde de l’individu » est plus délicate à saisir.
Dans l’extrait d’une œuvre de Gide, l’adjectif « authentique »
concerne les sentiments et non pas la personne elle-même.
2.2 Sens du mot « Authentique » selon le Trésor de la Langue Française. [4]
Le Trésor
de la Langue Française , œuvre gigantesque et fondamentale, consacre quatre
pages au mot « authentique » ; nous citons ci-dessous,
essentiellement, les paragraphes donnant des sens en relation avec la personne
humaine (sens 5° du Petit Robert) :
AUTHENTIQUE,
adj. et subst.
« I.-
Adjectif
A.-
Qui fait foi, qui fait autorité ; dont la forme et le contenu ne
peuvent être mis en doute.
1….
2….
3….
B.-
P. ext.
1.
[S'applique à un écrit, à un doc., à un texte]
Auquel on peut se fier, dont le contenu est véridique :
…
2.[En
parlant des choses crées par l’homme] Véritable, qui ne peut être controversé,
contesté.
…
3.[Qualifie
les composantes de la personnalité ou la pers. elle-même] Qui , au-delà des
apparences, manifeste l’être le plus vrai, le plus profond, qui reflète la
personnalité profonde d’un individu :
•17. La seule source vraie de l’art est
notre cœur, le langage d’une âme pure et candide. Un tableau qui
ne jaillit pas de là ne peut être que vaine jonglerie. Toute oeuvre authentique
est conçue dans une heure sacrée, enfantée dans une heure bénie ; une impulsion
du dedans la crée, « souvent à l’insu de l’artiste »,…
Béguin,
L’Âme romantique et le rêve, 1939, p.126.
•18. … le choix que chacun faisait
de lui-même [sous l’occupation allemande] était authentique, puisqu’il
se faisait en présence de la mort…
Sartre,
Situations III,1949, p. 12.
… »
Comme
le Petit Robert, le TLFi considère comme authentique ce
« qui reflète la personnalité profonde d’un individu ».
2.3 Sens du mot « Sincère ».
Comme
l’adjectif « sincère » est souvent donné comme synonyme ou très
proche
du
mot « authentique », rappelons les sens de « sincère » selon les
deux dictionnaires consultés :
Le Petit Robert :
SINCÈRE, adj.
« 1 Qui est disposé à reconnaître la vérité et à
faire connaître ce qu’il pense et sent réellement, sans consentir à se tromper
soi-même ni à tromper les autres. >franc, loyal,
littér. Vérace. … Il est sincère, mais il fait erreur….
● Qui est tel réellement et en toute bonne foi. Véritable.>
Un défenseur sincère des libertés.
2 Réellement pensé ou senti. Aveu, repentir
sincère…»
Le
Trésor de la Langue Française :
SINCÈRE,
adj.
« A.-[En
parlant d’une pers.]
1.Qui
exprime ses véritables pensées, ses véritables sentiments. Synon. franc,
loyal ; anton. Faux, hypocrite, menteur….
• En parc. Être sincère avec soi-même.
Ne pas se cacher la vérité. …
2.Qui
est tel réellement, en toute bonne foi. Synon. véritable. Un ami
sincère ; sincère admirateur ; partisan sincère. …Catholique
non pratiquant, mais très sincère (…) il [Napoléon] croyait avoir
tout fait pour l’Eglise en restaurant le culte en France ( Verlaine,
Œuvres compl. T4, Mém. Veuf,1886, p. 254)
…
B.
[En parlant d'une chose que l'on ressent
ou que l'on exprime] Qui est réellement éprouvé, pensé, exprimé. Synon. véritable,
vrai; anton. insincère (littér.). Sincère amour, croyance,…

C.
Surtout en ARTS et LITT. Qui
exprime une vérité, une réalité effectivement ressentie…

●La
critique de sincérité et d’exactitude (…) Peu importe qu’un homme soit sincère,
s’il se trompe; l’état moral du témoin est indifférent à l’historien. Il
est vrai que l’homme sincère a une chance de moins de nous tromper que
le menteur ; mais la sincérité a aussi ses illusions…Rudler, Techn.crit. et hist. littér.1923, p.21. »
2.4 Sens
du mot « Loyal »
Selon
le Petit Robert :
« LOYAL,
-ALE, -AUX … adj….
1
VX ou DR. Conforme à la loi , à ce qui est requis par la loi > légal
…
2 (t. de féod., repris fin XVIIIè) COUR.
Qui est entièrement fidèle aux engagements pris, qui obéit aux lois de
l’honneur et de la probité. > fidèle, honnête, probe. Chevalier ,
sujet loyal.… »
Selon
le Trésor de la Langue Française informatisé :
« LOYAL, -ALE, -AUX, adj.
« A.
Vx, DR. COMM. Qui est conforme à la
loi, aux prescriptions de la loi. (Dict. XIXe
et XXe s.). Marchandise
bonne et loyale (Ac. 1798-1878).
« A.

…
B.
1. [En parlant d'une pers.] Qui est
sincèrement fidèle dans sa conduite aux engagements pris, aux lois de l'honneur
et de la probité. Synon. droit, franc; anton. déloyal, fourbe. Adversaire,
collaborateur loyal; âme, conscience, nature, personnalité loyale; coeur loyal;
loyal compagnon, serviteur, soldat, sujet, vassal.

… »
Le
sens qui nous intéresse est donné aux paragraphes 2 de l’article du Petit
Robert et B.-1 de celui du Trésor de la Langue Française informatisé.
2.5 Sens du mot
« Authentique » selon le Vocabulaire
technique et critique de la philosophie d’André Lalande.
technique et critique de la philosophie d’André Lalande.
Dans
ce paragraphe comme dans le suivant,
nous allons rendre visite à deux documents en langue française, assez
simples mais différents des dictionnaires et qui abordent aussi le thème de
l’authenticité ; cette visite n’a pas la prétention d’étudier ce sujet du point de vue de la
philosophie européenne ; elle a seulement pour but de profiter de la forte
tradition philosophique européenne, afin d’avoir un éclairage supplémentaire
qui peut être utile .
Le
Vocabulaire d’André Lalande que nous utilisons est celui qui est publié en
novembre 2002, avec l’indication : 1ère édition
« Quadrige ». Il donne une définition du mot :
« authentique », ne traite pas de la notion de
« sincérité » et présente un article sur le « loyalisme »
qui n’entre pas dans le domaine qui nous intéresse ici.
L’essentiel
du texte consacré au mot : « authentique » est présenté
ci-dessous :
« Authentique :
…
- Au sens propre, se dit d’un document ou d’une œuvre émanant réellement de l’auteur auquel ils sont attribués. S’oppose à supposé, faux. « Un Rembrandt authentique. »
- Spécialement, en DROIT : se dit d’un acte dressé, en vue de faire foi, par un officier public ou un magistrat compétent. (Acte notarié, acte de l’état civil, jugement, etc.)
- Au sens courant et vague : légitime ; original ; sincère ; conforme à son apparence, qui mérite bien le nom qu’on lui donne ; - quelquefois même, par extension, vrai. « Une nouvelle authentique »…
CRITIQUE :
Le
sens C n’est recommandable ni au point de vue de la précision du langage
ni au point de vue de l’étymologie. « L’expression authentique
empruntée à la langue judiciaire…, ne se rapporte, qu’à la provenance,
non au contenu : dire qu’un document est authentique, c’est dire
seulement que la provenance en est certaine, non que le contenu en est
exact… » LANGLOIS et SEIGNOBOS, Introduction aux études historiques,
p. 133-134 (S) »
Outre
les articles proprement dits, l’ouvrage offre aussi à chaque page des
observations des Membres et
Correspondants de la Société Française de Philosophie et ,
éventuellement, à la fin du livre un supplément.
Pour
l’article « Authentique » nous avons des observations et un
supplément de M. Marsal.
Observations
sur l’article Authentique (Elles sont présentées séparément de
l’article mais à la même page):
« Certes
un document authentique n’est pas un document véridique ; ce sont là deux
valeurs distinctes, qu’il ne faut pas confondre, et la seconde l’emporte sur la
première. Mais dans le cas d’un tableau ou d’un
bijou « authentiques », le sens est qu’ils ont bien toute la
valeur qu’ils paraissent avoir, qu’ils ne décevront pas quant à la richesse
qu’ils promettent. En ce sens, l’épithète ne peut-elle pas s’appliquer
utilement à la pensée et aux personnes ? La personne sincère se montre
telle qu’elle croit être ; la personne authentique, telle qu’elle est
profondément. « La foi qui n’agit point, est-ce une foi
sincère ? » . A coup sûr, surtout avant que la question lui ait été
posée ; mais ce n’est pas une foi authentique. L’authenticité serait la
limite vers laquelle tend la sincérité lorsqu’elle s’accompagne de sincérité
envers soi-même, qui suppose bien plus que l’introspection impartiale :
l’étude de la conduite, la cohérence des actes et des pensées. Ce que Pascal
reproche à Epictète, et Valéry à Pascal , c’est une certaine
‘inauthenticité’ ». (M. Marsal).
Supplément
aux Observations sur l’article Authentique (donné à la fin de
l’ouvrage) :
M. M.
Marsal ajoute à ses précédentes observations sur ce mot (voir ci-dessus,
pages 97-98) : « Voici le texte le plus ancien que je connaisse dans
l’acception de ce mot devenue fréquente. ‘Tout homme, même s’il s’accommode
d’émotions conventionnelles, est confusément averti de sa profondeur, vaguement
occupé d’un soupçon secret. Il y a un arrière-goût d’insuffisance en tout ce
qu’il éprouve ; il comprend qu’il pourrait être plus authentique qu’il ne
l’est, que d’autres parties plus cachées, plus étonnantes de lui-même
pourraient être intéressées par l’événement. Mais il ne sait comment se saisir
de cette réalité qu’il contient, car elle ne l’invite, ni ne l’appelle ;
et bientôt il perd jusqu’au désir de la trouver.’ Jacques RIVIERE, De la
sincérité envers soi-même, Nouvelle revue française, 1912. Mais,
ajoute M. Marsal, qui portera en dernier ressort le diagnostic
d’authenticité ? Des sujets, dont chacun est authentique à ses propres
yeux, n’en joueront-ils pas, aux yeux d’un Balzac, la ‘comédie humaine’ ?
A quelles conditions le seul fait de viser l’authenticité ne détruit-elle pas
celle-ci ? Quiconque impute à autrui le grief d’inauthenticité - ainsi
Valéry de Pascal – peut à son tour en être aisément accusé, et c’est sans fin. »
2.6 La notion d’ « Authenticité » selon l’Encyclopédie de l’Agora.
Ci-dessous est un
extrait de l’article de l’Encyclopédie de l’Agora consacré à ce thème
(Site consulté le 13 décembre 2011) :
« Le mot authenticité a remplacé au vingtième
siècle le mot vertu, qui était au centre de la morale occidentale depuis
Socrate. L'homme, pense-t-on, depuis Nietzsche et Kierkegaard surtout, a été
trop longtemps l'esclave des idéaux, il est temps qu'il pense a lui-même;
jusqu'à maintenant ses actes étaient bons dans la mesure où ils étaient
conformes a une norme; ils seront désormais bons dans la mesure où ils seront
l'expression du moi.
Le mal était la désobéissance à Dieu : il sera une
trahison de soi-même et plutôt que de se reprocher d'avoir transgressé des lois
éternelles, on se reprochera d'avoir méconnu ses aspirations véritables.
Mais qu'est-ce que le moi véritable? D'où vient que nous
le percevons assez bien chez autrui pour avoir la certitude d'être tantôt
devant une personne authentique, tantôt devant une personne empruntée? Les
analyses les plus subtiles nous ramènent toujours a cette constatation du sens
commun : nous jugeons de l'authenticité, sans raisonner, par intuition. Nous
éprouvons un sentiment de plaisir ou de contrariété et notre jugement n'est
rien d'autre que la traduction de ce sentiment. Notre certitude ressemble a
celle du dégustateur. Ne dit-on pas d'ailleurs d'un vin médiocre qu'il manque
d'authenticité?
Le dégustateur n'analyse pas, il flaire. Il connaît déjà
les qualités intimes du vin qu'on lui offre. Il se demande si les qualités du
vin contenu dans la coupe participent de ces souvenirs. Il attend une sensation
bien caractéristique. Mais il demeure passif. Ce n'est pas lui qui juge, c'est
le souvenir de vin d'hier qui, de lui-même, se détache de l'impression laissée
par le vin d'aujourd'hui, pour la confirmer ou l'infirmer.
Nous avons une attente analogue a l'égard de toutes les
personnes que nous rencontrons et de toutes les situations dans lesquelles nous
nous trouvons. Cette attente repose sur un souvenir lui-même fondé sur une
expérience antérieure où nous a été révélé ce qui, pour nous, constitue
l'essence des êtres et des situations en cause. »
2.7 Conclusions partielles.
L’étude de la notion d’authenticité et des notions connexes
dans des dictionnaires de langue française complétée par une consultation du Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’André Lalande et du site : Encyclopédie
de l’Agora, nous a donné un bagage
notionnel encore très ouvert et parfois hésitant ; il nous indique
cependant que les mots « authentique » et « authenticité » peuvent servir comme des outils provisoires pour
présenter à des lecteurs de langue française le thème que nous avons baptisé « Authenticité
humaine » et qui au départ était défini de façon souple par les notions de
Zhēn rén [Chân nhân] et de
Chéng[Thành] . Au
paragraphe suivant, nous allons chercher, dans les langues chinoise et
vietnamienne, les mots et expressions qui exprimeraient des notions entrant dans ce thème.
3. Des mots en langues chinoise et vietnamienne pour représenter la notion d’ authenticité humaine et des notions connexes.
3.1 Généralités.
Le
nombre de mots utilisés dans le domaine de l’authenticité humaine est
relativement important en chinois et en vietnamien ; cette situation est probablement et partiellement en rapport
avec le fait que cette idée a eu une longue histoire de plus de deux
millénaires.
L’étude
de nature linguistique qui a été menée
comprend deux parties :
a) la première partie est consacrée au recensement des mots monosyllabiques
ou polysyllabiques en relation avec la
notion d’authenticité et à leur traduction en français ; il sera fait
usage de dictionnaires bilingues dans les deux sens, mais essentiellement dans
le sens chinois-français et vietnamien-français ;
b)
la deuxième partie a été consacrée
à l’analyse des définitions des mots les plus importants du domaine de
l’authenticité, qui sont données par des dictionnaires unilingues
chinois-chinois et vietnamien-vietnamien ; les définitions et explications
données par ces dictionnaires seront traduites en français par nos soins ;
cette seconde démarche ne se confond pas avec la première, car les définitions ou explications données dans la langue
d’origine peuvent être bien plus riches , plus nuancées que les traductions
fournies par des dictionnaires bilingues.
Les
résultats essentiels de cette étude sont présentés ci-dessous.
3.2 Les mots monosyllabiques de base.
En
chinois classique les deux mots Zhēn
[Chân] et Chéng诚 [Thành] sont les
plus utilisés quand il s’agit de la notion d’ « authenticité », Zhēn
[Chân] par les écoles taoïstes
et Chéng [Thành] par les écoles confucianistes.
Fondamentalement
Zhēn [Chân] a le sens de : vrai,
réel alors que Chéng [Thành]
, qui a aussi le sens de
vrai, comporte une très nette composante de moralité, il implique la sincérité
avec une orientation vers le bien.
Au
cours du temps les deux mots se sont probablement influencés mutuellement, se
sont associés entre eux ou avec d’autres mots comme Shí实 [Thực ou Thật] qui a le sens de «plein,
réel » pour former des expressions binaires désignant la notion
d’authenticité et ses corrélats.
Ci-dessous
sont des extraits des articles relatifs aux entrées : Zhēn, Chéng et Shí provenant de la
version numérique du Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise.
Zhēn真 [Chân]
« 1a. Vrai; véritable; réel; authentique. Vérité;
réalité. En vérité; en réalité; valeur de vérité. – Anton : 假 [a] jiǎ Faux et 伪 wèi Artificiel;
falsifié. b. (Log.) Vrai. 2. Sincère; véridique. Sincérité.
3. a. Nature foncière; authenticité originelle (des êtres); caractère
naturel, inné. b. Nature; univers; ensemble des êtres. 4. (Tao. –
Méd. chin. trad.) Authenticité; nature originelle : a. Déroulement
d’une vie qui accomplit consciemment sa destinée, s’adaptant aux circonstances
sans dévier de son naturel. b. Authentique : conforme à l’origine,
aux puissances originelles et divines. c. Réel : symptôme manifestant
la cause réelle du mal (p. opp. à 假 jiǎ).
5. a. (Tao. – abrév. de 眞人 zhēn rén) Homme
authentique élevé au rang des immortels. Immortalité; divinité.
b. (Bouddh.) Absolu et tout ce qui se fonde sur l’absolu (p. ex. un
courant, une école). En particulier l’une des six écoles 眞宗 zhēn zōng. – Cf. 六宗 liù zōng… »
Chéng 诚[Thành]
« 1a. Sincère; honnête. b. Parfait, à qui
rien ne manque de ce qui convient à sa nature. Sincérité; honnêteté.
2. (Philos. chin.) Sincérité; rectitude naturelle. Pr les confucéens,
l’expression première et suprême de la bonté de la nature humaine. Adhésion
totale à la réalité naturelle au fond de soi. Rectitude du cœur ouvert à 天道 tiān dào, la Voie du
Ciel. C’est le fondement de toutes les expressions de 德 dé, la vertu, des
sentiments et pensées justes, du bonheur et de la sagesse; la condition d’une
conduite parfaite, fondée sur l’état de nature retrouvé en soi. 3. (Relig.
chin.) Piété. Pieux. 4. Vrai; véritable…. »
[a] Shí 实[Thực ou Thật ]
«1. Plein; rempli; comblé. Remplir. – Anton. : 空 kōng Vide et 虚 xū Vide; creux. 2. (Méd.
chin. trad.) Plénitude : a. (Normale) Remplissage à capacité
permettant une fructification. b. (Pathologique) Pléthore; surabondance;
présence indue. 3. Consistant; substantiel. 4. Complet; parfait.
5. Réel; authentique; véritable. Réalité; fait. Réellement; de fait; en
fait. – Anton. : 相 xiàng Apparence. 6. Vérifier la réalité de;
prouver. Preuve. 7. (Philos. chin.) a. La réalité; l’être en tant
qu’il existe (Légisme). b. L’existence concrète d’un être qui le
positionne ds l’espace et le temps. c. La réalité concrète des êtres et
des choses, p. opp. au nom (名 míng). d. Plein, p. opp. à vide (虚 xū); expressions
contrastées du faîte suprême (太极 tài jí). 8. Sincère; véridique; honnête…»
3.3 Les expressions binaires de base.
Nous
allons commencer par les expressions
binaires formées à partir des mots : zhēn, chéng, shí ; elles
existent dans les deux langues chinoise et vietnamienne et se rapportent à la
notion d’authenticité ; ce sont :
-Zhēn
shí 真实 [Chân thực] = Vrai ; véritable ; réel ;
authentique ; cette expression peut s’appliquer à la description d’une
situation, qui est alors exacte, ou à des sentiments qui sont, dans ce cas,
sincères.
-Zhēn
chéng 真诚 [Chân thành]
= Sincère, honnête, authentique ; cette expression présente l’intérêt de
réunir un caractère utilisé plutôt par la tradition taoïste Zhēn et un
caractère utilisé par la tradition confucéenne Chéng.
-Chéng
shí 诚实[Thành thực] :
Sincère, honnête ; elle s’applique à la personne humaine et a le
sens de sincère avec une nuance d’orientation vers le bien ; ainsi le Dictionnaire
du chinois contemporain indique que cette expression concerne
nécessairement de bonnes pensées, actions ou conduites.
En dehors des expressions formées avec les caractères Zhēn真 [Chân] , Chéng诚 [Thành]
et Shí实 [Thực ou Thật] , nous avons aussi d’autres formées avec Yì意 [Ý] , Xīn心 [Tâm] , Kěn恳 [Khẩn] , Xìn信 [Tín]
Yì意 [Ý] = Intention.
Xīn心[Tâm]=Cœur, Esprit, Cœur-esprit .
Kěn恳 [Khẩn]= Cordial, sincère, de tout cœur.
Xìn信 [Tín] = Fidélité à un engagement ;
foi, confiance ; digne de foi ; message, information, lettre.
Ce dernier
caractère est fort intéressant. Il désigne d’un côté la qualité d’une personne
qui tient ses paroles, ses promesses et de l’autre la confiance que les autres
lui accordent ; cette double signification souligne le fait que la confiance
des autres, cela se mérite et qu’elle dépend de votre sincérité, de votre
fidélité aux engagements pris. Il sert aussi à désigner un message, une
information, une lettre ; cet emploi montre que la qualité essentielle
d’un message, d’une information est sa fiabilité.
On a
ainsi les expressions :
-Chéng
yì诚意 [Thành ý] : Sincérité, intention sincère ;
sincèrement, de tout cœur ;
-Chéng
xīn诚心 [Thành tâm] :
Sincérité, sincère, sincèrement , de tout cœur ; les expressions Shí xīn [Thực tâm] , Zhēn xīn [Chân tâm] ont un sens pas trop éloigné de
celui de Chéng xīn ;
-Chéng
kěn诚恳 [Thành khẩn] : Sincèrement
dévoué ; sincèrement, instamment , de tout cœur ;
-Chéng
xìn诚信 [Thành tín] :
Bonne foi, loyauté ; loyal ; cette expression Chéng xìn [Thành tín] a d’un côté le sens de base que
Chéng shí [Thành thực]
mais avec en plus une
insistance particulière sur la fidélité à la parole donnée ; c’est le sens
de la traduction par : « Bonne foi, loyauté ;
loyal » ; c’est une qualité très appréciée dans le commerce et les
relations économiques en général.
Enfin
nous avons une expression dont la formation est tout à fait différente: « Zhì
pǔ 质朴 [Chất phác] :
naturel, simple, sincère » ; entrent dans sa formation le mot Zhì 质[Chất] qui a à l’origine le sens de : substance, nature et le mot Pǔ 朴 [Phác] qui signifie : bloc de bois brut.
Parmi
les expressions non communes aux deux langues citons :
-Lǎo shí 老实qui a le même sens que Chéng shí (sincère,
honnête) et qui n’existe qu’en chinois (Lǎo= vieux, de longue date, toujours,
très) ;
-Thực thà , expression
très
courante en vietnamien, avec le même sens que Thành
thực (sincère, honnête) ; thà est typiquement
vietnamien (nôm) ; il ne provient pas d’un mot du chinois
classique.
-Lòng,mot typiquement vietnamien qui signifie : « Cœur,
entrailles » est souvent utilisé à la place du mot Tâm, ce qui donne notamment l’expression
équivalente Lòng thành (cœur sincère,
loyal), très utilisée.
3.4 Conclusions partielles .
En
comparaison avec les usages en français, aucune des expressions chinoises ou
vietnamiennes rencontrées ci-dessus n’a le sens réglementaire de l’adjectif
« authentique » dans l’expression : « acte authentique »
en français.
Par
ailleurs, on peut noter que les expressions utilisées actuellement dans le
domaine de l’authenticité humaine sont nombreuses en chinois et en
vietnamien ; elles ne correspondent pas toujours à des contenus dont les
différences sont clairement définies dans des dictionnaires.
Le
chapitre suivant sera consacré à l’étude de cette notion dans les écrits de
sages ; elle peut nous apporter des informations complémentaires, plus
concrètes ou plus détaillées sur le contenu de cette notion.
4. La notion d’authenticité selon les enseignements et écrits des sages.
Nous allons étudier dans ce chapitre la notion d’authenticité telle qu’on la rencontre dans les enseignements et écrits de sages qui vivaient sur le continent extrême-oriental avant l’établissement de l’Empire Chinois en 221 avant J.C.
4.1 La
notion d’humain véritable selon les enseignements et écrits de sages de
tradition taoïste.
4.1.1 Un mode de vie simple, désintéressé proposé dans le Livre de la Voie et
de sa Vertu.
Le Livre de la Voie et de sa Vertu (道德经Dào dé jīng ; Đạo Đức Kinh) est
traditionnellement attribué à Lao Zi (老子, Lão Tử,
le Vieux Maître) qui serait un peu plus âgé que Confucius (551-479 av. JC). En
fait, à part une histoire légendaire,
nous ne connaissons rien sur le Vieux Maître ; son ouvrage qu’on
appelle aussi le Laozi semble avoir été compilé au 3ème
siècle avant JC.
Dans le Laozi
il n’y a pas d’expression :
Zhēn rén真人 [Chân nhân] = Homme véritable.
Le
mot Zhēn真[Chân] = vrai,
véritable
y
est rencontré trois fois ; celui qui se trouve au chapitre 54 est
assez intéressant :
« Cultivée
en soi,
La
vertu (de la Voie) sera vraie (zhēn) . »
Le
texte préconise aussi, en des termes assez généraux, une vie simple, éloignée
de toute recherche de l’intérêt.
Dans
le chapitre 19, qui s’adresse à des gouvernants, il propose d’abandonner de grandes valeurs, qui se trouvent être des
valeurs confucéennes : la sainteté, l’intelligence, la vertu d’humanité et
le sens du juste ( 圣智仁义 ; shèng, zhì, rén, yì ; thánh, trí,
nhân, nghĩa) ainsi que l’habileté et l’intérêt ( 巧利qiăo,
lì ; xảo, lợi ) ; il
préconise de « voir la nature originelle, embrasser la simplicité,
diminuer l’intérêt personnel, raréfier les désirs » (见素抱朴,少私寡欲 ; Jiàn sù bào pŭ, shăo sī guă yù ; Kiến tố bảo phác, thiê²u tư quả dục.)
Au
chapitre 20, après avoir proposé d’abandonner l’apprentissage (学 , xué,
học), thème cher aux confucéens,
il présente un homme ayant un mode de vie marqué par le détachement :
« Chacun s’échauffe et se dilate
Comme s’il festoyait au Sacrifice du Bœuf
Ou qu’il montât sur les Tours du Printemps
Moi seul demeure en paix, imperturbable
Comme un petit enfant qui n’a pas encore ri »
( Traduction par
François Houang et Pierre Leyris)
Le chapitre se termine par la phrase :
« Moi seul, je suis différent des humains,
J’apprécie la Mère nourricière (des dix mille êtres). »
4.1.2 La notion de Zhēn rén [Chân nhân] ou Humain véritable dans le Livre de
Zhuang Zi.
4.1.2.1 Généralités.
Zhuang Zhou (庄周) ou Zhuang Zi (庄子Maître Zhuang), vivait vers
la fin du 4ème siècle avant J.C., il était donc un contemporain de
Mencius. Originaire de Meng, place dont la
localisation est incertaine, mais très probablement dans le Hunan
actuel, il y occupait un petit poste administratif avant de se retirer du
monde. Le livre qui porte son nom, le Zhuangzi, nous a été transmis par
Guo Xiang (4ème siècle après J.C.) ; ce penseur a réduit un
ouvrage de 52 chapitres en celui que nous connaissons avec 33 chapitres ;
il les a classés en :
a)Chapitres
internes : 1 à 7, considérés, à juste titre, comme formant le noyau du Zhuangzi ;
b)Chapitres
externes : 8 à 22 ;
c)Chapitres
divers : 23 à 33.
4.1.2.2
Description générale du Zhēn rén真人[Chân nhân] ou Humain véritable.
Le
Zhuangzi donne à son
chapitre 6 une longue description générale de l’Homme véritable, Zhēn rén[Chân
nhân][5], notion qui se confond avec celle du Saint
taoïste.
Nous donnons ci-dessous une traduction des passages les plus importants
de ce texte :
« L’Homme véritable de l’antiquité ne
savait pas aimer la vie et ne savait pas haïr la mort ; il sortait (sur la
scène du monde) sans manifester de joie, il rentrait sans faire
d’histoire ; sans contrainte ni attache il venait, sans contrainte ni
attache il s’en allait et puis c’était tout.
Il n’oubliait pas par où il a
commencé ; il ne cherchait pas à savoir par où il va finir. Quand il
reçoit quelque chose, il s’en réjouit, mais ne s’en soucie pas et la rend.
C’est ce qu’on appelle ne pas utiliser le cœur pour léser la Voie, ne pas
utiliser l’homme pour aider le Ciel. C’est ce qu’on appelle un Homme véritable.
Etant ainsi, son cœur a son orientation[6], son
attitude est tranquille et son front
dénote une grande simplicité. Il est frais comme l’automne, doux comme le
printemps. Ses sentiments sont en communication avec les quatre saisons, il
s’adapte à toute chose et personne n’en connaît les limites. C’est pourquoi
quand le Saint déploie ses armées, il peut détruire des pays, sans perdre le
cœur des populations; ses bienfaits peuvent se répandre sur dix mille
générations, sans que ce soit pour l’amour des hommes.
…
Ainsi, ce qu’il aime est un et ce qu’il
n’aime pas est un ; le fait qu’il est un est un, le fait qu’il n’est pas
un est un. En étant un, il est le compagnon du Ciel, en n’étant pas un, il est
le compagnon de l’homme. Quand le Ciel et l’homme ne se défont pas
mutuellement, on peut dire qu’on a affaire à un Homme véritable. »
La fin du chapitre 15 fournit une autre
définition, très intéressante aussi, de l’Homme véritable : « La
Voie ‘de la pureté et de la nature originelle’ (纯素之道chún sù zhī dào ; thuần tố chi đạo)
consiste à garder seulement l’esprit (神 shén ; thần) ; le garder et ne pas le perdre et
ainsi faire un avec l’esprit, faire un
avec son essence et de cette façon, communiquer, s’unir avec l’Ordre du Ciel.
Un adage populaire dit : « L’homme du commun s’intéresse au
profit, un lettré intègre fait grand cas de la
renommée, un sage (贤人xián
rén ; hiền nhân) tient à sa résolution, une Sainte
personne (圣人Shèng rén ; Thánh nhân)
apprécie l’essence spirituelle. ». La ‘nature originelle’ signifie qu’il
n’y a pas de mélange ; la ‘pureté’ signifie que l’esprit n’est pas
endommagé. Celui qui peut représenter en soi la pureté et la nature originelle
est appelé un Homme véritable. »
.
4.1.2.3
Des histoires présentant des humains remarquables.
Outre
la description générale de l’Homme
véritable ci-dessus, le Zhuangzi offre aussi des exemples de gens apparemment
ordinaires, exerçant de petits métiers , et qui montrent des comportements
remarquables ; le jardinier du chapitre 12 est explicitement considéré
comme un Saint taoïste ; pour les autres, le texte semble les considérer
comme des exemples de vie particulièrement intéressants à présenter.
Le cuisinier Ding et son art de découper un
bœuf.
Le célèbre passage présentant le cuisinier
Ding et son art de découper un bœuf se trouve au chapitre 3 du livre et est résumé ci-dessous :
Le cuisinier Ding découpe un bœuf pour le
prince Wen Hui ; ses mouvements sont d’une virtuosité et d’une efficacité
exceptionnelles.
Le prince s’exclame : « C’est
vraiment bien! Comment peut on atteindre un tel niveau d’habileté ? ».
Ding pose alors son couteau et donne comme
explication :
Ce qui l’intéresse, c’est la voie du
fonctionnement des choses, ce n’est pas seulement une simple habileté. A ses
débuts, ce qu’il voyait c’était le bœuf entier ; trois ans après il ne
voyait plus le bœuf entier ; maintenant, il appréhende le problème par son
esprit et ne le fait plus par ce qu’il voit ; le texte précise
même : « La perception et la compréhension sont à l’arrêt et
l’esprit (神shén ; thần)
se meut selon ses propres désirs ». Ding procède en suivant les
conformations des organes de l’animal, frappe aux interstices, dirige sa lame
en fonction des cavités, ne touche pas
aux ligaments, aux tendons et à
plus forte raison, pas aux os. Un bon cuisinier change de couteau une fois par
an, un médiocre en change tous les mois, son couteau à lui est comme neuf après
dix neuf ans de service.
Arrivé à un point complexe, il commence par
évaluer la difficulté, fait très attention, travaille lentement, manie le
couteau avec subtilité jusqu’à ce que les parties, tout d’un coup, se séparent.
Alors lui, reste là debout le couteau à la main, regardant dans les quatre directions,
complètement satisfait , avant de nettoyer son couteau et de le ranger.
Le prince
s’exclame alors: « Très bien ! J’ai écouté les paroles du
cuisinier Ding et sais comment nourrir la vie.»
Il est
particulièrement intéressant de remarquer les relations plutôt
« équilibrées » entre le prince et le cuisinier ; en tout cas
ils se respectent mutuellement. Le cuisinier qui connaît bien son métier, est
fier de l’exercer ; il ne laisse pas dire que sa compétence se réduit à
une simple habileté ; il a sa voie et son esprit dirige toute
l’opération ; il le dit simplement, sans crainte, ni obséquiosité, sans
agressivité non plus. Le prince de son côté reconnaît que, grâce aux
explications du cuisinier, il a appris comment garder une bonne santé et
ménager ses chances d’avoir une longue vie, sujet d’une grande importance, en
particulier dans l’ancienne Chine.
On peut dire que le cuisinier Ding, par la
maîtrise de son art, par sa vision des
choses, vit par lui-même et pour lui-même (自在 zì zài ; tự tại).
Il est d’abord le cuisinier Ding, pas un serviteur du prince ; tout se
passe comme si la compétence, la sagesse et la confiance en soi auraient
réalisé un rééquilibrage en sa faveur dans ses relations avec le prince.
Un vieux jardinier
et sa rencontre avec ‘Zi Gong’.
Cette histoire d’une
rencontre entre ‘Zi Gong’ et un vieux jardinier se trouve au chapitre 12 du Zhuangzi ;
en principe, ‘Zi Gong’ est un disciple
de Confucius mais comme l’aventure qui
‘lui’ est arrivée est racontée dans un livre taoïste, nous avons mis son nom
entre guillemets. ; le Zhuangzi a peut-être voulu faire d’une
pierre deux coups : présenter son
point de vue tout en se moquant de Confucius et d’un de ses disciples.
Cette anecdote peut
se résumer ainsi :
Sur le chemin de retour d’un voyage dans le sud, ‘Zi Gong’ voit un
vieux jardinier en train de transporter dans une jarre l’eau puisée d’un puits
afin d’arroser ses plantes ; ‘Zi Gong’ lui dit qu’il existe une machine
qui permet de faire ce travail de façon beaucoup plus efficace et, à sa
demande, lui explique comment fabriquer cette machine avec du bois et lui
demande s’il en veut une.
Le jardinier répond :
« J’ai entendu
mon maître dire que ceux qui ont des machines, nécessairement auront des
préoccupations liées aux machines ; ceux qui ont des préoccupations liées aux
machines, nécessairement auront un cœur (心xīn ; tâm) machinal. Avec un cœur machinal dans la
poitrine, alors ce qui est blanc et pur est lésé ; le blanc et pur étant
lésé, la vie de l’esprit (神shén ; thần)
ne connaît plus de repos ; sans le repos de la vie de l’esprit alors la
Voie ne vous transporte plus. Ce n’est pas que je ne connais pas cette machine,
c’est que j’aurais honte de l’utiliser. »
Après avoir révélé
qu’il est un disciple de Confucius, ‘Zi Gong’ reçoit encore une autre leçon du
jardinier : « Ne seriez vous pas un de ceux qui étalent leur vaste
érudition pour singer les saints,…Allez vous en ! Ne vous mêlez plus de
mes affaires. »
Plus tard, en parlant
à ses disciples, ‘Zi Gong’ dit :
« Au début je
croyais qu’il y a un seul (vrai) homme
au monde, je ne savais pas qu’il y avait encore celui là. J’ai entendu
le Maître (Confucius) dire : ‘Dans les affaires, il faut voir ce qui est
possible (admissible); dans les oeuvres, il faut chercher la réussite. Peu
d’efforts et beaucoup de résultats, voilà la Voie de la Sainte personne’.
Maintenant, ce n’est plus du tout ainsi. Celui qui tient fermement à la Voie,
gardera sa vertu intacte ; avec sa vertu intacte, sa forme corporelle sera
intacte ; avec sa forme corporelle intacte, son esprit sera intact. Avoir
son esprit intact, c’est cela la Voie de la Sainte personne. Habitante
temporaire de ce monde, elle marche avec le peuple, comme si elle ne savait pas
où elle va ; immense et inconnaissable, sa pureté est complète. Les œuvres
reconnues, les profits, les machines, les habiletés nécessairement n’ont pas de
place dans son cœur. Une telle personne ne va pas là où elle n’a pas
l’intention d’aller ; elle ne fait pas ce que son cœur ne lui dit pas de faire… »
Nous voyons ici ‘Zi
Gong’ commencer par mettre le Vieux jardinier sur le même plan que son maître
Confucius ; la suite de son discours montre qu’il semble reconnaître la
supériorité du jardinier.
Ce Saint taoïste qui
exerce un métier modeste tient surtout à garder son esprit intact ; il
refuse d’utiliser les machines de peur qu’elles ne le contaminent en le
rendant machinal ; sa critique
vis-à-vis des habiletés, des profits en l’absence de vertu est encore valable à
l’époque actuelle.
Le charron Bian et son prince.
Cette histoire fait
partie du chapitre 13 du Zhuangzi et peut être résumée ainsi :
Un jour, le charron Bian travaillait en bas
de la grande salle dans laquelle lisait le prince Huan ; Bian monta les
marches et demanda au prince ce qu’il lisait.
Le Prince
répondit : « Les paroles de Saintes Personnes. »
Bian : « Les
Saintes Personnes sont elles vivantes ? »
Le Prince : « Déjà
mortes. »
Bian : « Dans
ce cas, ce que lit Votre Altesse n’est que la lie des anciens. »
Le Prince le somma de s’expliquer, s’il n’y
parvenait pas ce serait la peine de mort.
Bian expliqua en prenant son métier en
exemple : pour fabriquer une roue il y avait un tour de main qu’il ne
parvenait pas à enseigner à ses fils par la parole ; c’est pour cela qu’à
70 ans il travaillait toujours à faire des roues ; ce que les anciens ne
pouvaient transmettre disparaissait avec leur mort et il ne restait que la lie.
Zhuang Zi et la
carapace de tortue.
Cette histoire , du
chapitre 17, peut être résumée
ainsi :
Alors que Zhuang Zi était en train de pêcher au bord de la rivière
Pu, deux grands officiers envoyés par le
roi de Chu vinrent le voir et lui dirent : « Le Roi désirerait vous charger des affaires du royaume. »
Zhuang Zi, tenant toujours sa gaule et sans se retourner, leur
répondit : « J'ai entendu dire qu’à Chu il y a une tortue sacrée, morte il
y a trois mille ans ; le roi conserve sa carapace au temple des ancêtres,
enveloppée dans du linge et mise dans un coffret. Pour cette tortue, est-il
préférable d’être morte en ayant ses restes honorés ou d’être vivante et de
traîner sa queue dans la boue ?"
Les deux grands officiers répondirent : « Il est
préférable pour elle d’être vivante
et de traîner sa queue dans la boue
!"
"Partez ! dit
Zhuang Zi ; je préfère aussi traîner ma queue dans la boue !"
Le menuisier Qing fabricant de supports de cloches (chapitre
19)
Cette histoire peut être résumée ainsi :
Le menuisier Qing travaille du bois pour en faire un support
de cloches ; une fois le support terminé, les gens qui le voient sont
stupéfaits, comme s’il était fabriqué par des esprits.
A la demande du seigneur du pays de Lu, Qing explique sa façon
de procéder :
« Quand je vais fabriquer un support de cloches, j’évite
toujours une déperdition de mon énergie (气 qì ; khí),
pour cette raison, je fais une retraite (斋zhāi ; chay) afin de garder mon cœur paisible. Après
trois jours de retraite, je n’ai plus aucune pensée concernant les
félicitations, les récompenses, les titres , les salaires. Après cinq jours ,
je n’ai plus aucune pensée relative aux éloges ou aux critiques, au talent ou à
la maladresse. Après sept jours de retraite, je suis si tranquille que j’ai
oublié que j’ai quatre membres, une forme et un corps. A ce moment là ni le
souverain, ni la cour n’existe pour moi. Mes capacités sont concentrées et les
perturbations venant de l’extérieur
complètement amorties. Je vais alors dans la forêt et la montagne pour observer
le caractère céleste des arbres. Si j’en trouve un avec une forme parfaite et
que devant mes yeux, apparaît l’image du support de cloches, alors je commence
le travail de fabrication. Si ce n’est pas ainsi, alors j’arrête. Ma façon de
faire revient simplement à assortir le Ciel avec le Ciel. Ceci est probablement
la raison qui fait que des gens se demandent si le support n’a pas été fait par
des esprits. »
Cette histoire
relative à la création d’un objet d’art met en valeur trois idées
particulièrement intéressantes :
-un don total de soi, don vraiment désintéressé, pour la
réalisation d’une oeuvre: pour pouvoir se consacrer intégralement à son projet,
l’artisan Qing commence d’abord par éliminer toutes les pensées parasites ;
ce sont celles qui concernent aussi bien son moi, ses intérêts que la société
elle-même avec son organisation ;
-la conception d’un modèle à fabriquer : Qing a bien en
tête un modèle du support qu’il veut fabriquer ; quand il rencontre un
arbre avec une forme adéquate, l’image du support apparaît devant ses
yeux ;
-une conception de l’œuvre d’art : par l’expression «assortir le Ciel avec le Ciel » Qing
veut dire que l’œuvre résulte de la combinaison harmonieuse entre sa vision du
support, ses capacités techniques et artistiques et les possibilités offertes
par la nature et la forme de l’arbre.
La pauvreté de ‘Zheng Zi’ (Chap 28)
Ce paragraphe met en scène ‘Zheng Zi’, en
principe un disciple de Confucius.
‘Zheng Zi’ vivait très pauvrement dans le pays de Wei ; il portait
un vêtement matelassé sommaire, sans enveloppe tissée extérieure, ses mains et
ses pieds étaient durs et calleux ; il pouvait passer trois jours sans
allumer un feu (pour préparer un repas) et dix ans sans se confectionner un
vêtement. Et pourtant il chantait les éloges de la dynastie des Shang et sa
voix emplissait le ciel et la terre. Le paragraphe se termine par :
« Le Fils du Ciel ne parvenait pas à le
convaincre de devenir son ministre et les princes feudataires d’en faire un
ami. Ainsi, celui qui entretient sa résolution (志,
zhì, chí) ne pense plus à sa
forme corporelle, celui qui nourrit sa forme corporelle ne pense plus aux gains
et celui qui parvient à la Voie, ne pense plus à son cœur. »
Ce paragraphe est très élogieux pour ‘Zheng
Zi’ qui est parvenu, au moins, au stade : nourrir sa résolution et ne plus penser à sa forme corporelle.
La rencontre entre un vieux
pêcheur et ‘Confucius’[7].
Tout le chapitre 31 du Zhuangzi est
consacré à cette rencontre :
Au cours d’une promenade ‘Confucius’,
accompagné de disciples, s’arrêta sur le tertre des Abricotiers ; un vieux
pêcheur vint le voir, lui fit une longue leçon qui suscitait chez ‘Confucius’
beaucoup de respect pour l’inconnu, qui finalement lui conseilla de cultiver sa
propre personne et de bien garder le vrai qui est en lui. A la demande de
‘Confucius’, le vieux pêcheur lui expliqua ce qu’était « le vrai (Zhēn真Chân) » :
« Le vrai, c’est la pureté ( Jing精 Tinh) , l’authenticité (Chéng诚 Thành
) au plus haut point. Celui qui manque de ce
vrai ne peut émouvoir les autres. Pour cette raison, celui qui se force
à se lamenter, même s’il parait triste,
ne suscite pas de chagrin chez les autres. Celui qui se force à être en
colère, même s’il parait farouche, n’impressionne pas. Celui qui se force à
être affectueux, même s’il sourit, ne crée pas d’harmonie. Une vraie tristesse
n’a pas à émettre de bruit pour susciter du chagrin ; une vraie colère n’a
pas besoin de se montrer pour
impressionner ; une vraie affection n’a pas besoin d’un sourire pour créer
l’harmonie. Quand le vrai est à
l’intérieur, l’esprit influence à
l’extérieur . C’est pourquoi , le vrai est apprécié. »
A
la fin , ‘Confucius’ a demandé à devenir un élève du vieux pêcheur, mais
celui-ci n’a pas accepté de le prendre. La façon dont ce vieux pêcheur donne sa
longue leçon au ‘Confucius’ de l’histoire et les réactions très respectueuses
de celui-ci suggère qu’il s’agit d’un Saint Taoïste.
4.2 La
notion de Chéng [Thành] ou d’authenticité
humaine selon les enseignements et écrits de sages de tradition confucéenne.
4.2.1 La notion de Chéng [Thành]
ou Authenticité et celle d’Autonomie humaine dans Les Entretiens de Confucius
et le Livre de Mencius
4.2.1.1 Généralités
Mencius vécut au quatrième siècle avant
JC ; vers l’an 320 avant l’ère chrétienne.
En
ce qui concerne son œuvre on peut noter que l’empereur Wen des Han, qui règna
de 179 à 157 avant JC, avait instauré une chaire d’érudit pour le Livre de
Mencius tout comme pour Les Entretiens
de Confucius ; par la suite le Mengzi subissait une
relative éclipse pendant un millénaire avant d’être redécouvert et de jouer un
rôle important dans la renaissance confucéenne au début de la dynastie des Song
(10ème siècle après JC) ; avec Zhu Xi (12ème
siècle), le Livre de Mencius forma avec Les Entretiens de
Confucius, Le grand apprentissage et La pratique constante de la
centralité[8]
le corpus des Quatre Livres qui, avec celui des Cinq Classiques était étudié
par tous les candidats aux concours impériaux jusqu’au début du 20ème
siècle.
Pour
la numérotation des paragraphes nous utilisons celle qui est utilisée notamment
dans le livre d’André Lévy ; elle identifie chaque paragraphe par le
numéro du livre (il y en a 7 dans le Mengzi) suivi d’une lettre A ou B
indiquant s’il s’agit de la première partie ou de la seconde partie du livre
(il est commode d’appeler « chapitre » chacune des deux parties d’un
livre) et du numéro du paragraphe à l’intérieur de chaque chapitre ; par
exemple 1.B.3 renvoie au paragraphe 3 du chapitre 1.B qui est la seconde partie
du livre1.
4.2.1.2 La notion de Chéng [Thành] ou d’authenticité humaine dans le Livre de Mencius.
La
notion d’authenticité humaine Chéng 诚 [Thành]
est introduite de façon claire au paragraphe 4.A.12 du Mencius ;
d’un autre côté, ce caractère Chéng 诚
est utilisé, de nombreuses fois, dans cet ouvrage, avec un sens ordinaire de
vrai, vraiment.
Ainsi,
il est utilisé quatre fois au chapitre 1.A : une fois au paragraphe 1.A.6
et trois fois au paragraphe 1.A.7 ;
il est traduit en français par André
Lévy (et en anglais par James Legge) de la façon suivante : vraiment (indeed) ;
vraiment (really) ; véritable (really) ; réelle (real) ; les deux traductions sont concordantes ;
selon la structure de la phrase dans la langue d’arrivée, le mot utilisé peut
être un adjectif ou un adverbe ; à titre d’exemple nous citons ci-dessous
une phrase de Mencius s’adressant au roi Xiang de Liang (§1.A.6), traduite en français par André
Lévy :
« Or,
parmi les pasteurs d’hommes de ce monde, il n’en est point qui ne se plaise à
tuer. Y en eût-il un seul qui fît
exception, les gens du monde entier se tourneraient vers lui en tendant le cou.
En fût-il vraiment ainsi, les populations iraient à lui avec la force de
l’eau qui se précipite vers le bas. Qui pourrait les arrêter ? ».
Le
caractère Chéng 诚 [Thành] a été traduit par : vraiment,
mot que nous avons mis en gras dans le passage ci-dessus.
La
plupart des mots Chéng 诚 [Thành] rencontrés
dans le Mencius se rapportent à des faits, des événements réels ou
supposés et se traduisent par : véritable, réel, vraiment…
La
grande contribution du Mencius sur la notion d’authenticité humaine se trouve
au paragraphe 4.A.12, dans lequel Chéng诚 [Thành] utilisé 7 fois est appliqué à
l’homme ou au Ciel ; nous proposons pour ce paragraphe la traduction
suivante:
Mencius
dit : « Si quelqu’un, dans une position subalterne, n’obtient
pas la confiance de ses supérieurs, alors il n’obtiendra pas celle du peuple et
ne pourra pas l’administrer. Il y a une voie pour gagner la confiance de ses
supérieurs : si l’on n’a pas la confiance de ses amis (Xìn ; Tín ) , on ne
pourra pas obtenir celle de ses supérieurs. Il y a une voie pour gagner la
confiance de ses amis (Xìn ; Tín ) : en servant ses parents, si on ne
parvient pas à leur faire plaisir, on ne pourra pas obtenir la confiance de ses
amis (Xìn ; Tín ). Il y a une voie pour pouvoir faire plaisir à
ses parents : en s’examinant soi-même, si on découvre qu’on n’est pas authentique , pas vrai (Bù chéng 不诚 Bất thành ) alors on ne pourra pas faire plaisir à
ses parents. Il y a une voie pour se rendre authentique (Chéng 诚 身Thành thân ) : si l’on ne voit pas clairement ce qu’est le
bien , on ne se rendra pas authentique. C’est pourquoi, l’authenticité (le
vrai) est la voie du Ciel ; penser l’authenticité (le vrai) est la voie de
l’homme. L’authenticité au plus haut niveau et qui ne meut pas les gens, ce cas
n’existe pas ; l’inauthenticité qui peut mouvoir des gens, ce cas n’existe
pas. »
Le Mencius
applique encore une fois le
caractère Chéng [Thành] à
l’homme au paragraphe 7.A.4 :
Mencius
dit : « Les dix mille existants se présentent tous complets en
moi. Il n’y a pas de plus grande joie, dans un retour sur soi, d’être conscient
de son authenticité. Si quelqu’un applique, avec détermination, le
principe : traiter les autres comme on veut être traité soi-même, il ne
peut être plus proche de la vertu d’humanité qu’il poursuit. »
4.2.1.3
L’autonomie de l’être humain dans Les Entretiens de Confucius et le Livre
de Mencius.
Une
autre contribution très importante du Mencius concerne l’autonomie de
l’être humain ; sans l’autonomie, l’authenticité ressemblerait à celle
d’une pierre et ne présenterait que peu d’intérêt.
Le
livre Les Entretiens de Confucius souligne déjà et avec
force, au §IX.26, le principe de l’autonomie de l’être humain :
« Il
est possible de s’emparer du commandant suprême d’une grande armée ; il
est impossible d’enlever à un homme du commun sa résolution ( zhì 志 , chí)[9] ».
De
son côté, le Mencius propose simplement à l’homme d’établir sa propre
destinée (§7.A.1) :
Mencius dit : « Celui qui exerce à
fond les capacités de son cœur connaît sa propre nature. Connaissant sa nature,
alors il connaît le Ciel. Préserver son cœur, nourrir sa nature, c’est ainsi
qu’on sert le Ciel. Être frappé d’une mort prématurée ou jouir d’une longue
vie, cela ne nous fait pas tergiverser, c’est en cultivant sa personne
dans l’attente de cela (l’issue) qu’on établit sa destinée (Lì mìng立命; Lập mệnh). »
Le mot Mìng (Mệnh) désigne un ordre, un décret ; dans
les textes les plus anciens on trouve déjà l’expression Tiān mìng (天命; Thiên mệnh ) ou Décret du Ciel pour désigner le lot que le Ciel réserve à chacun, autrement dit
sa destinée ; quand Mencius propose à chacun d’établir sa propre destinée,
cela revient à dire qu’il propose à chacun de prendre le pinceau et d’écrire
lui-même le Décret du Ciel qui le concerne. Il n’y pas de meilleure définition
de l’autonomie.
4.2.2 La notion de Chéng [Thành] ou Authenticité humaine dans le :
Zhōng Yōng [Trung Dung] ou Application constante de la centralité .
4.2.2.1
Généralités. Le sens de l’expression Zhōng Yōng.
L’ouvrage Zhōng Yōng中庸 [Trung Dung] est
attribué à Zisi, petit- fils de Confucius, grand penseur de la période
Printemps et Automnes sur le continent chinois (6ème siècle avant
J.C.). Il constitue un des chapitres du Traité des Rites (Li ji) et
forme avec Les Entretiens de Confucius, le Livre de Mencius et Le
Grand Apprentissage les « Quatre Livres », célèbre corpus
canonique depuis Zhu Xi (1130-1200), grand lettré confucéen de la dynastie des
Song du sud.
La
date de la compilation du Traité des Rites est incertaine ; elle se
situe peut être au cours des 3ème, 2ème siècles avant
J.C.
La
traduction du titre Zhōng Yōng [Trung Dung] en langues occidentales est difficile.
Le mot Yōng [Dung] de ce titre a le sens de « Mettre
constamment en application » ou « Mise en application
constante ».
Le mot Zhōng
[Trung] est riche en sens ; il signifie :
centre, milieu mais aussi :
intérieur (l’), cœur de l’homme ; prononcé avec le 4ème ton il
signifie : frapper juste, atteindre le but ; en chinois comme en
vietnamien, la notion de « centre » est souvent associée et de façon
forte à l’idée de quelque chose qui serait principale, essentielle.
On
peut remarquer qu’en français le mot centre a aussi deux sens principaux :
a) Point intérieur situé à égale distance de tous les points de la
circonférence d’un cercle, de la surface d’une sphère ; et par
extension : Le milieu d’un espace quelconque ;
b) Point intérieur doué de propriétés actives, dynamiques ;
exemples : centre d’attraction, centre de gravité, centres vitaux…
( Le
nouveau Petit Robert de la langue française).
Pour
garder toute la richesse de sens du mot Zhōng [Trung], il
est possible de traduire le titre Zhōng
Yōng [Trung Dung] par une expression générale :
Application constante de la centralité.
Comme dans ce texte, l’expression Zhōng
Yōng [Trung Dung] se rapporte aussi bien à l’univers, à la société humaine qu’à la personne
humaine en tant qu’individu il est compréhensible que le mot Zhōng [Trung] traduit par le mot
« centralité » peut être compris de différentes façons; nous
en voyons au moins deux :
-dans la première on privilégie l’idée de
« milieu », d’«équilibre » ; c’est l’interprétation
proposée par Zhu Xi grand lettré de la dynastie des Song du Sud (12ème
siècle après J.C.) ; elle a exercé une grande influence jusqu’au 20ème
siècle ; avec cette idée on aurait une traduction telle que : Application
constante du juste milieu ; les traductions de Séraphin Couvreur : L’invariable
milieu et de James Legge : The Doctrine of the Mean partent
de cette interprétation ;
-dans
la seconde, on remarque que Zhōng [Trung] a aussi le sens de « cœur », de « fond du
cœur » , de « for
intérieur » ; cette façon de voir conduit à une traduction du titre Zhōng Yōng [Trung Dung] telle que :
Application constante de ce qu’on a dans
le cœur (ou dans son for intérieur).
Cette deuxième façon de voir est
intéressante, car elle permet d’annoncer dans le titre même du Zhong Yong la notion d’authenticité,
notion traitée dans les sept chapitres du 20 au 26 de l’ouvrage[10].
4.2.2.2 Rôle fondamental de l’être
humain : réaliser sa propre nature
La
première phrase du Zhōng
Yōng [Trung Dung],
ou Application constante de la centralité
en quinze caractères, met en relation le Ciel, la nature humaine, la Voie et l’éducation :
en quinze caractères, met en relation le Ciel, la nature humaine, la Voie et l’éducation :
« La
mission confiée à l’homme par le Ciel, on l’appelle Nature ; suivre sa Nature,
on appelle cela
la Voie ; cultiver la Voie, on appelle cela l’Education » .
la Voie ; cultiver la Voie, on appelle cela l’Education » .
Cette puissante introduction définit pour l’être humain son rôle fondamental : réaliser
pleinement sa propre nature ; l’importance de l’éducation en vue de cette réalisation
est bien soulignée.Le texte continue en conseillant à l’homme de bien
d’exercer une vigilance de toutinstant, de veiller sur ses pensées
les plus secrètes quand il est seul car la Voie ne saurait être quittée
un seul instant et les choses cachées, infimes sont les plus manifestes.
Ainsi ce qui est proposée par le texte est une pratique personnelle.
Le chapitre 20 indique à l’homme une voie pour accéder à l’authenticité :
« L’authenticité, c’est la manière du Ciel. Accéder à l’authenticité, c’est la voie de l’homme.
…
Celui qui accède à l’authenticité, c’est celui qui choisit le bien et s’y tient fermement.
Il (lui) faudra étudier cela dans toute son ampleur, s’en enquérir dans le détail, y réfléchir avec
attention, le discerner clairement, le mettre en pratique avec conviction et diligence. »
Pour Mencius, 4ème siècle avant J.C., héritier spirituel de Confucius, la nature de l’homme est bonne,
avec dans son cœur les quatre germes de la vertu d’humanité (Rén ; Nhân), du sens du juste
(Yì ; Nghĩa), de la bienséance authentique (L ĭ ; Lễ) et de l’intelligence et de la sagesse (Zhì ; Trí).
Ainsi il y a une bonne concordance entre les enseignements de Mencius et ceux du Zhōng Yōng
[Trung Dung] ; pour ce dernier ouvrage, accéder à l’authenticité c’est réaliser sa nature, comme
cette nature est bonne, une méthode directe pour atteindre cet objectif, c’est simplement étudier
le bien dans toute son ampleur et le mettre en pratique avec conviction et diligence.
Le chapitre 22 traite des possibilités ouvertes par une authenticité poussée au plus haut niveau :
« Sous le ciel, seul celui dont l’authenticité atteint le niveau le plus élevé est capable de faire déployer
complètement sa nature.
Etant capable de faire déployer complètement sa nature, il est capable de faire déployer
complètement la nature des autres hommes.
Etant capable de faire déployer complètement la nature des autres hommes, il est capable de faire
déployer complètement la nature des autres existants.
Etant capable de faire déployer complètement la nature des autres existants, il peut aider à la
transformation et au nourrissement effectués par le Ciel et la Terre.
Pouvant aider à la transformation et au nourrissement effectués par le ciel et la terre, il peut avec
le Ciel et la Terre former un Groupe Ternaire. »
Le chapitre 23 propose au pratiquant ordinaire une démarche qui lui permettrait d’atteindre le niveau
d’authenticité le plus élevé supposé acquis au chapitre 22 :
« Vient après celui qui développe au plus haut point des germes existant en lui,
Des germes développées au plus haut point peuvent conduire à l’authenticité,
L’authenticité s’actualise,
Actualisée, elle devient manifeste,
Manifeste , elle projette de la clarté ,
En projetant de la clarté, elle fait mouvoir,
Faisant mouvoir, elle modifie,
Modifiant, elle transforme.
Sous
le ciel, seul celui dont l’authenticité atteint le niveau le plus élevé peut
transformer. »
5. Discussions. Conclusions
5.1 Généralités.
De
l’étude des différentes sources effectuée ci-dessus, nous pouvons tirer les
observations suivantes valables pour les
deux côtés : européen et
extrême-oriental :
- la
notion d’authenticité implique que l’objet, l’entité qualifié(e) d’authentique
est conforme à un certain modèle de référence;
- le
modèle peut être de nature variée ; il peut exprimer des exigences
concernant la nature même de l’entité qualifiée d’authentique, concernant son
origine ou concernant des traitements qu’elle a subis etc.
Il
convient donc, pour éviter les confusions, de poser clairement , dans chaque
cas, les questions de base suivantes :
-quel
(le) est le phénomène, l’objet, l’entité qualifié (e) d’authentique ?
-quel
est le modèle auquel on se réfère pour dire que tel phénomène, telle entité est
authentique?
5.2 L’éclairage apporté par l’étude de sources de langue
française.
Le
mot français « authentique » s’applique d’abord à des textes de
nature juridique, des objets, des récits d’événements ; ainsi un
testament, un diamant, un tableau, un fait relaté peut être qualifié
d’authentique. Son application à l’être humain est plus tardive (20ème
siècle).
.
Pour
le critère d’authenticité, les dictionnaires français consultés font appel à
quelque chose de « très profonde » ; le Trésor de la Langue Française parle de
« l’être le plus vrai, le plus profond », de « la personnalité
profonde d’un individu » alors que le Petit Robert emploie une
expression plus condensée « une vérité profonde de l’individu ».
Au
sens 5 le Petit Robert donne la définition : « Qui exprime une
vérité profonde de l’individu et non des habitudes superficielles, des
conventions » et l’applique, dans l’exemple emprunté à Gide, à des sentiments
d’une personne ; cette application
semble bien correspondre à la définition donnée.
Le Trésor
de la Langue Française donne la définition :
« Qui, au-delà des apparences, manifeste
l’être le plus vrai, le plus profond, qui reflète la personnalité profonde d’un
individu. »
Elle
est appliquée, dans les exemples fournis, à une œuvre artistique ou à un
choix, autrement dit à des émanations de la personne; les deux
exemples invoqués illustrent bien la définition donnée.
Le
seul exemple d’application à une personne : « Il n’est pas très
authentique» est fourni par le Petit Robert ; cette application
ne correspond pas à la définition donnée et le texte du Robert ne nous
apporte aucun éclairage sur ce qu’est, pour une personne, d’être authentique
d’une façon générale.
Ainsi,
en faisant appel à l’idée de « l’être le plus vrai, le plus
profond », les deux dictionnaires français cités sont parvenus à donner une définition claire de
l’authenticité d’un sentiment, d’un
comportement humain ; ils semblent admettre que l’épithète
« authentique » peut s’appliquer à l’être humain lui-même, mais sans
présenter une explication élaborée. A notre avis, un homme qui a constamment un
comportement authentique est, peut-être, tout simplement un homme sincère .
Le Vocabulaire
technique et critique de la philosophie d’André Lalande, exprime, dans son
texte principal, un avis nettement défavorable à l’emploi du terme authentique
dans le sens marqué C et qualifié de courant et vague :
« légitime ; original ; sincère ; conforme à son apparence,
qui mérite bien le nom qu’on lui donne » quel que soit l’objet auquel il
s’applique.
A
côté de cet avis « officiel » du Vocabulaire technique et critique
de la philosophie il y a aussi les observations de M. Marsal ; elles
se trouvent à la même page que l’article concerné, mais dans la partie
inférieure de la page ; cet auteur a une position un peu plus favorable
vis-à-vis de la notion d’authenticité appliquée à l’être humain; pour lui « la personne sincère se montre telle qu’elle
croit être ; la personne authentique, telle qu’elle est
profondément » ; dans un supplément, donné à la fin de l’ouvrage il
pose la question : « Qui portera en dernier ressort le
diagnostic d’authenticité ? » et considère
que : « Quiconque impute à autrui le grief d’inauthenticité -
ainsi Valéry de Pascal – peut à son tour en être aisément accusé, et c’est sans
fin. » . La question de M. Marsal
sur la personne compétente pour poser, en dernier ressort, le diagnostic
de l’authenticité montre que le mot français « authentique » garde
encore la trace de son origine en tant que mot du langage judiciaire.
Pour l’Encyclopédie de l’Agora , jusqu'à
maintenant les actes de l’homme « étaient bons dans la mesure où ils
étaient conformes a une norme; ils seront désormais bons dans la mesure où ils
seront l'expression du moi. » ; il pose aussi la question de savoir
comment faire pour reconnaître une personne authentique et sa réponse est :
par intuition.
Les
dictionnaires français Petit Robert et Trésor de la Langue Française
informatisée ainsi que l’Encyclopédie de l’Agora traitent de la
notion d’authenticité plus ou moins en relation avec l’être humain ; dans
ces ouvrages, ce sont les actes, les œuvres, les sentiments, c’est à dire des
émanations de l’être humain qui sont qualifiés d’authentiques ; la
référence utilisée en tant que critère pour définir, au moins en théorie, ce
qui est authentique est le moi véritable, la personnalité profonde d’un
individu. Cette partie semble parfaitement cohérent. En revanche quand le Petit
Robert et le Trésor de la Langue Française informatisée laissent
comprendre que les définitions du mot « authentique » qu’ils ont
données pour les émanations de l’être humain, peuvent être utilisées directement
pour l’homme lui-même, cela semble un peu hâtif.
5.3 La notion
d’authenticité humaine selon des textes taoïstes et confucianistes.
5.3.1 L’authenticité humaine selon des sources taoïstes
.
Bien
qu’il n’a pas employé l’expression : Homme véritable , le Laozi a
introduit au chapitre 20 un humain qui parle à la première personne avec le mot Wǒ我 ngã ( je, moi) utilisé sept fois dans un
court texte d’un peu plus de 130 caractères ; cette personne qui se
considère comme différente des autres humains, se dit être comme un petit
enfant qui n’a pas encore ri ; elle ne court pas derrière la richesse et
les honneurs, et déclare apprécier la Mère
nourricière des dix mille êtres.
Les
propositions faites par le Zhuangzi sont plus détaillées et plus
concrètes ; c’est cet ouvrage qui a introduit la notion de Zhēn rén[Chân
nhân] soit Homme
véritable ou authentique . Son
chapitre 6 décrit un tel être comme un humain caractérisé par un grand
détachement, même par rapport à sa
propre vie et par rapport à sa propre mort. Ce détachement lui confère une grande
liberté. Il est cohérent et parvient à concilier en lui l’homme et le
Ciel. Des auteurs considèrent qu’il est possible, dans des textes chinois
de remplacer le mot : Ciel par le mot : nature ; effectivement
cela permet d’avoir une interprétation concrète, familière pour le lecteur occidental
moderne, mais nous pensons qu’il convient de ne pas réduire ce Ciel-Nature à
quelque chose qui serait purement matérielle et mécaniste.
Cette description de l’Homme véritable ou
authentique est complétée par la définition donnée au chapitre 15 qui indique
qu’un tel homme est celui qui peut représenter en soi « la pureté et la
nature originelle » ; le texte précise aussi que : « la
Voie ‘de la pureté et de la nature originelle’ consiste à garder l’esprit,
l’esprit seul ; le garder et ne pas le perdre et ainsi faire un avec l’esprit, faire un avec son
essence et de cette façon, communiquer avec et se joindre à l’Ordre du
Ciel. » ; il convient de bien souligner l’importance qui est
accordée ici à l’esprit humain désigné
par le caractère shén (神thần
).
A côté de la définition générale de l’Homme
véritable, le Zhuangzi a
aussi donné des exemples de vie présentés par plusieurs types d’hommes
intéressants :
-deux artisans qui connaissent bien leur
métier et qui discutent d’égal à égal avec leur prince ; ils parlent en toute liberté, de leur métier, de leur
conception de la vie ;
-deux sages : Zhuang Zi et ‘Zheng Zi’
qui préfèrent vivre une vie simple mais libre plutôt que d’être momifié en
devenant un mandarin à la cour ;
- un charpentier qui montre que la
fabrication d’un support de cloche est d’abord une opération mentale ;
-
un vieux jardinier qui chercher surtout
à conserver intact son esprit et qui prévoit que l’utilisation des machines
peut contaminer son cœur et le rendre machinal ;
-
un vieux pêcheur qui a donné une longue leçon à ‘Confucius’ ; il lui conseilla notamment de cultiver sa propre
personne et de bien garder le vrai qui est en lui.
Les
deux ouvrages fondamentaux de la tradition taoïste ne s’intéressent pas
seulement à des sentiments ou des actes authentiques d’un individu ; ils
s’intéressent explicitement à l’authenticité de l’être humain lui-même ;
la référence qu’ils proposent est un modèle d’humain libre, qui pense par
lui-même, qui tient à préserver son esprit, à se préserver de toute aliénation
par suite d’ambitions vulgaires et/ou de conventions sociales ; un tel
être peut vivre en harmonie avec ses semblables et avec la nature.
5.3.2 L’authenticité humaine selon des sources confucianistes.
En accord avec l’ouvrage Les Entretiens
de Confucius qui souligne, avec force, l’autonomie de l’être humain, le
Mencius propose à ce dernier d’établir
sa propre destinée ; de bonnes germes existent en lui, il lui appartient de les développer.
Sur
le thème qui nous intéresse ici, le Mencius, considère que, si
l’authenticité est la voie du Ciel, penser l’authenticité est celle de
l’homme.
Pour
le Zhōng Yōng [Trung Dung], (Application constante de la
centralité), la tâche essentielle de l’homme consiste à cultiver sa propre
personne. Cette culture de soi, le Zhōng Yōng la voit comme la
réalisation de sa nature et réaliser sa nature revient à accéder à
l’authenticité.
Et
le texte poursuit en nous indiquant, au chapitre 20, que, pour accéder à l’authenticité il faut :
-choisir le bien et s’y tenir fermement,
-l’étudier dans toute son ampleur, s’en enquérir dans le détail, y réfléchir avec attention, le
discerner clairement ;
-le mettre en pratique avec conviction et diligence.
Le texte propose au pratiquant de choisir le
bien mais c’est à lui de l’étudier, d’y réfléchir, de le discerner
clairement ; le texte ne lui impose pas de règles étroites, à appliquer
mécaniquement.
Les textes
du confucianisme appliquent la notion d’authenticité principalement à la
personne humaine.
La
référence utilisée est constituée par le modèle d’un être humain qui cherche,
par la pensée et par la mise en application, à réaliser sa propre bonne
nature ; réaliser cette nature revient à remplir la mission qui lui est
confiée par le Ciel. Aucune limite n’est définie pour la poursuite de cette
part céleste qui existe dans le cœur de chaque humain.
5.3.3
Quelques observations sur le plan méthodologique.
Le
présent travail est un exemple d’étude d’un aspect culturel de pays situés en
Extrême Orient, étude dont les résultats sont destinés à être présentés à des
personnes lisant le français ; ce serait, en quelque sorte, une étude
interculturelle. Au début de l’étude, en nous appuyant sur des emplois
faits par des auteurs connus, nous avons admis provisoirement que les mots : authenticité
et authentique sont en rapport avec les
notions chinoises et vietnamiennes de Chéng 诚 [Thành], mot que François Jullien et Anne
Cheng ont traduit, à la fin du 20ème siècle, par authentique ou
authenticité et de Zhēn rén真人 [Chân nhân]
, expression que Anne Cheng a traduite par : « homme vrai ». Une
étude de type lexical a permis de délimiter le contenu et les domaines
d’application que les mots : authentique et authenticité ont à l’origine ;
ces deux mots français sont considérés alors comme des outils provisoires
utiles pour présenter les notions de Chéng et de Zhēn rén à des
lecteurs de langue française ; maintenant,
vers la fin de l’étude nous pouvons dire
que si nous continuons à utiliser les deux mots français :
authentique et authenticité pour
présenter des notions de Chéng [ Thành]
et de Zhēn chéng [Chân thành], de Zhēn rén [Chân nhân] ... alors il faut admettre qu’ils ont acquis un contenu plus vaste et
plus riche que leurs sens d’origine.
5.4 La mise en application des propositions
taoïstes et confucianistes.
En accord avec Confucius, la pensée extrême-orientale s’occupe
d’abord de la vie des hommes sur terre ; cette vie précieuse qui est
transmise à chacun par ses parents et ses ancêtres ; cette vie que chacun peut,
sauf exception, retransmettre à ses enfants.
La
grande question qui vient à l’esprit est : Que faire de sa vie ? Un
des plus beaux objectifs qui peut être proposé à chacun est de se conduire en
humain, de devenir un humain (Wéi rén,为人,
Vi nhân ) car pour la culture extrême-orientale ce point n’est
pas acquis ; bien entendu il s’agit de devenir un vrai humain, digne de ce
nom ; d’où l’importance de la notion d’authenticité.
Les textes taoïstes et ceux de la tradition
confucianiste envisagent tous l’application de la notion d’authenticité à la
personne humaine.
Le modèle de référence principal utilisé par les textes
taoïstes est appelé un humain véritable,
authentique décrit par des caractéristiques telles que : sa liberté, son
détachement, l’importance qu’il accorde à la préservation de son esprit etc.
Celui des textes confucianistes est
constitué par un humain qui cherche à réaliser sa bonne nature, notamment en
réfléchissant sur le bien, en l’étudiant et en mettant en pratique les
résultats de ses réflexions.
Ces deux modèles taoïste et confucianiste sont compatibles,
notamment lors de la mise en application.
Ils mettent tous en exergue l’autonomie de l’être humain,
dimension qui a été complètement
occultée par les lettrés-fonctionnaires au service des dynasties régnantes de
différents pays ; parmi ceux-ci on peut citer Dŏng Zhòngshū (董仲舒) qui vit sous les Hàn antérieurs, au second
siècle avant J.C. Ce très connu lettré et ses collègues confucéens parvenaient
à gagner la confiance de l’empereur Wu des Hàn (156-87) qui a établi des
chaires de « docteurs » pour enseigner, exclusivement, les Classiques confucéens et l’Académie impériale
où ont été formées des générations de fonctionnaires au service de l’empire.
Ces créations de l’empereur Wu constituent le début du système chinois de
concours pour le recrutement des fonctionnaires, système qui a duré jusqu’au
début du 20ème siècle ! Le thème qui intéressait le plus Dong Zhongshu était : comment administrer
l’empire, désigné aussi par l’expression « le dessous du ciel » . La phrase
suivante du chapitre 35 du livre Chunqiu fanlu (春秋繁露)
( Riche rosée du classique Printemps et Automnes ) , qui réunit ses
écrits, donne une idée de sa philosophie politico-administrative : « Le
Ciel donne naissance au peuple dont la nature a une disposition pour le bien, la
bonté ; mais il ne peut pas encore devenir bon ; pour cette raison,
le Ciel a, pour le peuple, établi le roi afin qu’il le rende bon ; c’est
cela l’intention du Ciel. » Une ligne en dessous, il critique, sans le
nommer, l’idée de Mencius, selon laquelle la nature humaine est bonne et
conclut : « Si la nature des dix mille peuples était déjà bonne, alors le roi qui a
reçu la mission (du Ciel) aurait quoi comme charge ? ». Cet « argument »
montre que Dong Zhongshu admet comme hypothèse de départ que le roi doit nécessairement
exister pour remplir une mission confiée par le Ciel, mission qui consiste à
dire au peuple ce qu’il doit faire pour être bon, la bonté étant définie par le
roi lui-même. L’alliance entre les
dynasties régnantes et les lettrés confucéens, c'est-à-dire ceux qui se
réclament de Confucius, ont permis de maintenir l’empire chinois pendant deux mille ans, au dépens d’une grande
valeur, celle de l’autonomie de l’être humain. Trần Trọng Kim (1883–1953),
dans son ouvrage en vietnamien Nho giáo (Rú jiào 儒教Enseignement des Ru ou
Enseignement des lettrés confucéens) a écrit : « Depuis l’empereur
Wu des Hàn, l’Enseignement des lettrés confucéens devient l’unique doctrine honorée,
ceci fait que l’esprit humain ne peut plus progresser. » ; il
considère qu’il s’agit là d’une grande erreur des lettrés confucéens de la
dynastie des Hàn.
La rencontre, au 19ème siècle, des nations de
l’Extrême-Orient avec les puissances venues d’Europe a mis en évidence
l’insuffisance, le caractère paralysant de l’enseignement des
lettrés-fonctionnaires, qui pour assurer la stabilité des dynasties, ont
préféré sacrifier l’autonomie de la personne humaine, condition de tout
progrès, autonomie qui a été clairement affirmée par Confucius et par Mencius .
Les textes sont clairs ; l’être humain vit et
pense par lui-même ; c’est à lui de préserver son esprit, de se garder de
toute aliénation. C’est à chacun de penser l’authenticité et d’établir sa
propre destinée.
Pour la mise en
pratique,.il y a deux niveaux d’exigence.
Le premier niveau
s’applique lors des relations avec les autres. En gros nous pouvons dire qu’il
est en jeu lorsque le mot « Xìn信 [Tín] =
Fidélité à un engagement… » est utilisé , soit seul, soit en combinaison
avec un autre caractère comme dans « Chéng xìn诚信 [Thành tín] :
Bonne foi, loyauté ; loyal … » . Le critère qui est appliqué
à ce niveau est la cohérence entre ce
que quelqu’un exprime par la parole ou un autre moyen et ses actes
ultérieurs ; ce critère concret est vérifiable par une autre
personne ; c’est une des raisons de
son importance dans les relations avec autrui, notamment , mais pas seulement,
dans le domaine des affaires ; un homme, une organisation qui tient sa
parole, ses promesses gagne la confiance des autres ; cette confiance des
autres est aussi désignée par le mot Xìn信 [Tín] qui signifie à la fois : « Fidélité
à un engagement » et « confiance, avoir confiance en » ;
tout se passe comme si, pour les langues chinoise et vietnamienne, celui qui
ne tient pas sa promesse, est, par là même, disqualifié pour toute
relation ultérieure.
Le second niveau d’application, qui
comprend le premier, correspond à la recherche d’une cohérence complète
entre la pensée profonde d’une personne et ses paroles, entre ses paroles et
ses actes, puis entre sa façon de vivre, caractérisée par ses pensées, ses
paroles et ses actes et celle pratiquée par un modèle d’homme véritable qu’elle
s’est donné. Une telle pratique est forcément personnelle ; il s’agit,
pour chacun de penser, par soi-même, l’authenticité humaine et de tenter d’y
parvenir ; les enseignements des sages qu’ils soient taoïstes, confucianistes ou autres ne sont que des
éléments à la disposition du pratiquant qui doit tracer sa propre voie, établir
sa destinée, la réaliser. Une question telle que celle qui a été posée par M.
Marsal : « qui portera en dernier ressort le diagnostic
d’authenticité ? » n’a plus aucun sens dans une telle pratique
personnelle.
Bien entendu, vivant en société, l’être humain doit
apporter sa juste contribution au fonctionnement de celle-ci . En dehors
de cela , fondamentalement il est né pour s’accomplir, pour établir sa destinée
et la réaliser.
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.VolumeI: Confucean Analects,The Great Learning and The Doctrine of the Mean ( Les Entretiens de Confucius, la Grande Etude et La Doctrine du Milieu) , 504p;
.Volume II: The works of Mencius, (L’oeuvre de Mencius), 588p;
. Volume III: The Shoo king or the Book of Historical Documents (Le Livre des documents);
.Volume IV: The She King or the Book of Poetry (Le Livre des poèmes), 786p;
. Volume V: The Ch’un Ts’ew with the Tso chuen (Le Chun qiu et le Zuo chuan), 934p;
réédition, Hong kong, Hong kong University Press,1960.
-Lévy André, trad., Les Entretiens de Confucius et de ses disciples,Paris , GF Flammarion, 1994, 256p.
-Lévy André, trad., Mencius, Paris, Editions You-Feng, 2003, 214p.
.-Li Angang李安钢, trad. sous la dir. de, Li jing礼经 (Livre canonique des Rites) ; sous ce titre l’ouvrage comprend en fait Le Grand apprentissage(Da xue), L’Application constante de la centralité (Zhong yong) et 13 autres chapitres du Li ji, Traité des Rites; en chinois classique avec traduction en chinois moderne ; il fait partie de la même collection que l’ouvrage précédent.), Beijing, Zhonguo shehui chubanshe, 1999, 306p.
-Liou Kia-hway, trad., L’œuvre complète de Tchouang-tseu, Paris, Gallimard/Unesco, 2001, 392p.
-Lu Guoyao鲁国尧et Ma Zhiqiang马智强trad., Mengzi quan yi (Traduction complète du Mengzi), un livre bilingue en chinois classique et chinois moderne, Jiangsu, Jiangsu guji chuban she, 1998, 254p.
.-Nghiêm
Toản, trad., Lão-Tử Đạo Đức Kinh Quốc-Văn Giải-Thích (Livre de la Voie et de la
Vertu de Lao Zi expliqué en langue nationale), 37 premiers chapitres du Laozi,
texte chinois, traduction et commentaires en vietnamien, Saigon, Ministère de
l’éducation nationale, 1959, 294p.
-Nguyễn Duy Cần, trad., Lão-Tử Đạo Đức Kinh (Livre de la Voie et de la Vertu de Lao Zi), 2t., texte chinois, traduction et commentaires en vietnamien, Saigon, Khai Trí, 1968, 412p.
-Nguyễn Hiến Lê, Mạnh Tử (Mencius), en vietnamien, Hô Chi Minh-ville, Văn Hóa, 1996, 216p.
-Nhượng Tống trad., Nam-Hoa kinh (Le Classique de Nanhua), Traduction complète du Zhuangzi et commentaires en vietnamien, 2ème édition, Saigon, Tân Việt, 1962, 520p.
-Nouveau
Petit Robert 2008, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2007, 2838p.
-Ryckmans Pierre, trad. Les Entretiens de Confucius, Paris, Gallimard, 1987, 172p.
-Trần trọng Kim, Nho-giáo (L’enseignement des Ru), en vietnamien avec les caractères chinois pour toutes les citations, Saigon, Tân Việt, 3ème édit., 2 vol., 354+452 p. (Sans indication formelle de date ; la 1ère édition est située dans les années 1930 et la troisième probablement dans les années 1950).
- Việt-Nam Văn-Hóa Hiệp-Hội, Việt-Nam Tự-điển
(Dictionnaire de la langue vietnamienne), Saigon et Hanoi, Văn Mới, 1954,
664 p.
-Watson Burton trad., The complete works of Chuang Tzu, New York, Columbia University Press, 1968, 398p.
-Wieger Léon trad., Les Pères du Système Taoïste, réédition, Paris, Cathasia, 1975, 522p.
-Yang Bojun杨伯峻, trad., Mengzi yi zhu (Mengzi traduit et annoté), un livre bilingue en chinois classique et chinois moderne, Beijing, Zhonghua shuju, 1960 (1ère édit.),1995 (10ème édit.), 2 vol., 484 p.
-Zhongguo Shehui Kexueyuan Yuyan Yanjiusuo中国社会科学院语言研究所 (Institut de linguistique de l’Académie des Sciences Sociales de Chine), Xiandai hanyu cidian现代汉语词典 (Dictionnaire du chinois contemporain), Beijing, Shangwu yinshu guan, 1996, 1724 p.
[1]
Pour les expressions chinoises écrites avec l’alphabet phonétique, nous en
donnerons les signes diacritiques, au
moins lors de leur première apparition.
[2] F. Jullien, Zhong Yong.La Régulation à
usage ordinaire ; 1993.Chap.20 notamment.
[3]
A .Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 1997. Chap. 6, §
Centralité et authenticité, p. 171.
[4]
Consulté le 23 décembre 2011
[5]
Différentes traductions de Zhēn rén : Homme véritable (Liou
Kia-hway, Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise), Homme vrai (L.
Wieger, A. Cheng) .
[6]其心志qi
xin zhi ;
certains auteurs remplacent zhi志, qui signifie aussi : retenir, par wang忘 qui
signifie : oublier et
remplacent其心志qi xin zhi par : 其心忘qi xin wang traduit en :
« son coeur oublie » ; une telle proposition est faible car,
juste deux lignes au-dessus il est écrit que l’Homme véritable
« n’oubliait pas par où il a commencé » ; nous proposons simplement de garder le caractère zhi志et lui
donner son sens de base.
[7]
Rappelons que quand Confucius ou ses disciples sont mis en scène dans des
textes de tendance taoïste, leur nom est mis entre guillemets, par exemple ‘Confucius’
[8]
Autres traductions des deux derniers titres : La grande étude, par
S. Couvreur, pour le premier et
l’Invariable milieu , par S. Couvreur ou La régulation à usage
ordinaire par F. Jullien pour le
second.
[9]
J. Legge traduit ici zhi志 chí par « Will »
en anglais, S. Couvreur par « détermination », P.Ryckmans et A.
Levy par « libre arbitre » , A. Cheng par « volonté », …
[10]
Pour une question de commodité nous utilisons la subdivision en chapitres avec
leur numérotation comme on les trouve notamment dans les ouvrages de S.
Couvreur et de F. Jullien