jeudi 5 avril 2012

Le Zhong yong (中庸 ) ou Application constante de la Centralité et la notion d’Authenticité Humaine.


The Zhong yong (中庸) or Constant Application of the Centrality  and the Notion of Human Authenticity.

Ho Manh Trung

1 Généralités.

Comme  Le Grand appentissage (Da xue), L’Application constante de la centralité (Zhong yong) est un des chapitres du Traité des ‘Rites’ (Li ji) ; ils forment avec Les Entretiens de Confucius et le Mencius les « Quatre Livres », célèbre corpus canonique depuis Zhu Xi (1130-1200).
La date de la compilation du Traité des ‘Rites’ est incertaine ; elle se situe peut-être au cours des 3ème, 2ème siècles avant J.C.  
Ce texte est attribué à Zi Si子思, petit-fils de Confucius formé par Zeng Zi曾子.
Il traite en premier lieu des questions fondamentales de la nature de l’homme, de la question de son authenticité, de sa relation avec le Ciel, de son rôle dans le monde ; il s’intéresse aussi aux aspects pratiques relatifs à un bon gouvernement. Dans cet article, nous allons étudier :
·                    -la signification de l’expression « zhong yong » qui sert de titre à l’ouvrage et qu’on trouve une fois dans Les Entretiens de Confucius et dix fois dans le Zhong yong ;
·                    -les idées principales de l’ouvrage sur la nature de l’homme et sa mission ;
·                    -la notion d’authenticité.


2 Le sens du titre : Zhong yong.


La traduction en langues occidentales du titre Zhong yong est difficile ; des quatre ouvrages en anglais et en français que nous avons consultés, trois  proposent les traductions :
·                    The Doctrine of the Mean (J.Legge) ;
·                    L’invariable milieu (S. Couvreur);
·                    La pratique équilibrée ( R. Mathieu).

François Jullien a innové en proposant le concept de régulation, ce qui a donné le titre :
·                    Zhong Yong ou La Régulation à usage ordinaire

La première difficulté de la traduction vient du fait que Zhong yong est un titre qui évoque le contenu du texte ; or ce contenu est riche et en traduisant, une personne peut donner plus de poids à un aspect qu’à un autre. L’autre difficulté vient de la richesse en sens des caractères zhong et yong et surtout de zhong ; mais cette richesse est aussi un avantage car elle permet justement de représenter celle du contenu de l’ouvrage.
L’idéogramme zhongprononcé avec le 1er ton a comme sens :
-centre, milieu  mais aussi : intérieur (l’) , (le) fond du cœur de l’homme ; sa vie intérieure, sa pensée profonde ;
-juste, impartial.
Prononcé avec le 4ème ton, il sigifie : frapper juste, atteindre le but.

En chinois, comme en français,  la notion de ‘centre’,  outre l’idée de milieu, d’équidistance, est aussi associée fréquemment et de façon forte à celle de quelque chose qui serait principal, essentiel.

Le caractère yongsignifie : employer, mettre en pratique, suivre (un chemin), pratiquer constamment ; ordinaire, banal. Le Shuowen jiezi  le classe sous la clef yong , indique qu’il est formé par l’association des caractères genget yong ; par  yong  il a le sens de mise en œuvre, mise en pratique ; gengapporte l’idée de  changements au milieu desquels se déroule cette pratique. Ce dernier point souligne l’intérêt du concept de régulation introduit par François Jullien.

Selon le sens choisi pour chacun des deux caractères, le titre Zhong yong peut avoir un sens différent et conduire à des interprétations donnant au texte une portée plus ou moins importante.
Ainsi Zhu Xi (12ème siècle après J.C.) a écrit, dans sa note introductive au Zhong yong:
子程子曰 : « 不偏之谓中, 不易之谓庸.中者天下之正道, 庸者天下之定理. »
Zi Cheng Zi yue : « Bu pian zhi wei zhong, bu yi zhi wei yong. Zhong zhe tian xia zhi zheng dao, yong 
zhe tian xia zhi ding li. »
 
Seraphin Couvreur a traduit ce passage par : 
Mon maître Tch’eng tzseu dit : « On appelle milieu ce qui n’incline d’aucun côté  et constant, ce qui ne change
 pas. Le milieu est la voie droite pour tous les êtres et la constance est la loi invariable qui les régit. »[1]
et a traduit le titre Zhong yong par L’invariable milieu.
 
Ce choix de Zhu Xi, assez réducteur, a exercé une grande influence sur l’interprétation du Zhong yong 
 jusqu’au 20ème siècle.
 
Le problème qui se pose est que le texte même du Zhong yong donne dans son premier paragraphe la 
définition de zhong :
« Quand le contentement, la colère, la tristesse ou la joie ne sont pas encore déployés on appelle cela 
centralité (zhong). Quand ils sont déployés mais restent équilibrés et modérés en vertu de la centralité, 
on appelle cela harmonie (he). »
Ainsi d’un côté zhongcorrespondrait à ce qui n’incline d’aucun côté (un juste milieu ou une impartialité), 
de l’autre ce mot désignerait la vie intérieure lorsque les sentiments ne sont pas encore déployés.
Notre interprétation est que le Zhong yong est un  texte ouvert, dont la portée peut être plus ou moins 
importante en fonction notamment du sens retenu pour le mot zhong. Ce dernier comprend des contenus
 allant depuis les sens de : « milieu », « centre » jusqu’à ceux de : «le fond du cœur de l’homme », « sa vie
 intérieure ».
Le passage suivant du chapitre 12[2] envisage bien la possibilité pour le texte d’avoir une portée variable :
« La Voie de l’homme de bien se déploie extensivement tout en restant cachée.
Les ignorants parmi les hommes et les femmes du commun peuvent en avoir une connaissance ; mais à son 
stade suprême, il y a des points que même la Sainte Personne ne connaît pas.
Les plus quelconques parmi les hommes et les femmes du commun peuvent en  réussir une mise en application;
  mais à son stade suprême, il y a des points que même la Sainte Personne n’est pas capable de mettre en
 pratique.»
Nous considérons donc que le choix de Zhu Xi correspond à un cas particulier qui a eu une grande influence 
pendant huit siècles ; à côté de ce cas particulier, le texte admet parfaitement d’autres interprétations.
Comme « centre » en français est presque aussi riche en sens que zhongen chinois nous proposons de 
traduire zhong, selon le cas, par « centre » ou « centralité » , en admettant que dans le contexte chinois 
ces mots peuvent aussi  désigner : le fond du cœur, la vie intérieure, la pensée profonde[3]. Utiliser les 
mots ayant un sens général « centre » ou « centralité » permet de sauvegarder l’interprétation de Zhu Xi.
En ce qui concerne  yong, nous proposons de choisir pour ce mot les sens de : 
-mise en application constante. mettre constamment en application, application constante, appliquer 
constamment.
 
Nous allons appliquer les propositions ci-dessus pour traduire les passages des Entretiens de Confucius et 
du Zhong yong  et qui contiennent l’expression « zhong yong ».
Cette expression a été employée une fois dans Les Entretiens de Confucius au
§VI.29 :
子曰 : 中庸之为德也,其至矣乎,民鲜久矣。
Zi yue : «Zhong yong zhi wei de ye, qi zhi yi hu, min xian jiu yi. »

Avec les propositions ci-dessus nous obtenons :
Le Maître dit : « Mettre constamment en application la centralité (=sa pensée profonde), y a-t-il de vertu plus haute? Les gens qui parviennent à s’y maintenir longtemps sont rares. »
C’est cette nuance de « constance » dans la pratique qui introduit de façon très naturelle la remarque sur la rareté des gens qui parviennent à la maintenir pendant longtemps.
Il convient de noter que l’intérêt de cette nuance de « constance » ne dépend en rien du sens choisi pour le mot  zhong.
Si nous choisissons, par exemple, pour  zhongun des sens conformes à la proposition de Zhu Xi : juste milieu, impartialité… ; ce choix donnerait la traduction :
Le Maître dit : « Mettre constamment en application le juste milieu (ou l’impartialité,…) y a-t-il de vertu plus haute? Les gens qui parviennent à s’y maintenir longtemps sont rares. »
L’intérêt de la nuance de « constance » introduite par le caractère yong est conservé. Mais l’interprétation : « Mettre constamment en application sa pensée profonde, y a-t-il de vertu plus haute? » semble beaucoup plus intéressante.


L’expression zhong yong est employée dix fois dans le texte auquel elle a donné son nom ; nous allons traduire ci-dessous les passages qui la contiennent (les traductions de l’expression sont en gras):
 -Zhong Ni dit : « L’homme de bien met constamment en application la centralité, l’homme de peu fait le contraire de cette pratique. Dans l’application constante de la centralité, l’homme de bien se comporte en homme de bien et reste tout le temps dans la centralité ; pour cette même pratique, l’homme de peu se comporte en homme de peu et n’a ni crainte, ni scrupule. » (chap.2 ; on trouve 4 fois l’expression zhong yong dans ce passage) ;
-Le Maître dit : « Appliquer constamment la centralité, c’est un vrai aboutissement. Les gens qui peuvent s’y maintenir longtemps sont rares. » (chap.3) ;
-Le Maître dit : « …Tous les hommes disent : ‘Je sais’, mais quand ils choisissent l’application constante de la centralité, ils ne sont pas capables de la maintenir pendant un mois. » (chap.7) ;
-Le Maître dit : « Telle était la manière de Hui de se comporter en être humain ; ayant choisi l’application constante de la centralité, chaque fois qu’il trouvait quelque chose de bien, il la gardait consciencieusement dans son cœur et  ne la perdait pas. » (chap.8) ;
-Le Maître dit : « On peut administrer équitablement tous les pays sous le ciel, refuser les dignités et les émoluments, fouler au pied des armes nues, sans pour autant être capable d’appliquer constamment la centralité. » (chap.9) ;
-Le Maître dit : « … L’homme de bien s’appuie sur l’application constante de la centralité ; s’il doit fuir le monde et est ainsi inconnu, il n’en éprouve aucun regret. Seule une Sainte Personne est capable de cela. » (chap.11) ;
-«C’est pourquoi, l’homme de bien respecte sa nature empreinte de vertu, applique la méthode du questionnement et de l’apprentissage, atteint ce qui est grand et  vaste, va jusqu’au bout de ce qui est fin et subtil, arrive au faîte de la hauteur et de la clarté, applique constamment la centralité, revise ce qui est ancien et connaît ce qui est nouveau, sincère et bon il fait grand cas de la bienséance authentique (Li)[4]. » (chap.27).

Sur les phrases qui contiennent l’expression zhong yong, trois comportent une remarque qui dit explicitement que les personnes concernées parviennent ou non à maintenir la pratique dans le temps ; deux autres indiquent que la personne concernée fait des efforts pour maintenir sa pratique ou au contraire a un comportement qui l’empêche d’y parvenir ; une autre dit simplement que cette application constante est très difficile. Nous pouvons donc conclure que l’expression zhong yong possède bien en elle-même, grâce au caractère yong, la nuance de constance, de persévérance dans la pratique ; cette constance est, bien entendu, en parfait accord avec l’idée, affirmée dès le début du texte, que la Voie ne saurait être quittée un seul instant (voir ci-dessous).
Quant au caractère zhong, sa traduction par « centre » ou « centralité » permet de garder, autant que possible, la richesse de sens qui existe dans le texte d’origine.
Selon le sens choisi pour zhong, le contenu convoyé par le texte peut être différent ; à titre d’exemple nous allons remplacer dans la traduction de l’alinéa du paragraphe 8 présentée ci-dessus le mot « centralité » par deux de ses sens possibles : « juste milieu » et « pensée profonde » ; cette explicitation nous conduit aux traductions particulières suivantes :
Première traduction :
Le Maître dit : « Telle était la manière de Hui de se comporter en être humain ; ayant choisi l’application constante du juste milieu, chaque fois qu’il trouvait quelque chose de bien, il la gardait consciencieusement dans son cœur et  ne la perdait pas » ; cette traduction conforme à la proposition de Zhu Xi fait une interprétation tournée vers l’extérieur ;
Deuxième traduction :
Le Maître dit : « Telle était la manière de Hui de se comporter en être humain ; ayant choisi d’appliquer constamment sa pensée profonde, chaque fois qu’il trouvait quelque chose de bien, il la gardait consciencieusement dans son cœur et  ne la perdait pas » ; cette traduction fait une interprétation tournée vers l’intérieur ; elle est plus intéressante que la précédente et nous montre le lien qui existe entre le titre Zhong yong et la notion d’authenticité qui est traitée de façon détaillée aux chapitres 20 à 26.[5]

3  Des idées sur la nature de l’homme et sa mission dans le chapitre 1.

3.1 Rôle fondamental de l’être humain : réaliser sa propre nature.

La première phrase du texte, en quinze caractères, met en relation le Ciel, la nature humaine, la Voie et l’éducation :
天命之谓性;率性之谓道;修道之谓教。
« Tian ming zhi wei xing ; shuai xing zhi wei dao ; xiu dao zhi wei jiao. »
 
Soit :
« La mission confiée à l’homme par le Ciel, on appelle cela : nature  ; suivre sa nature, on appelle cela :Voie  ; 
cultiver la Voie , on appelle cela : éducation . »
Cette puissante introduction définit pour l’être humain son rôle fondamental : réaliser pleinement sa propre
 nature ; l’importance de l’éducation en vue de cette réalisation est bien soulignée.
Le texte continue en conseillant à l’homme de bien une vigilance de tout instant et à l’égard des choses qu’il ne 
voit pas ou n’entend pas, car la Voie ne saurait être quittée un seul instant et les choses cachées, infimes, sont 
les plus manifestes.

3.2 La centralité et l’harmonie chez l’être humain.

 
Le texte donne ensuite des précisions sur les idées de zhong (centre, centralité) et he (harmonie) : 
喜、怒、哀、乐之未发,谓之中。发而皆中节,谓之和。
« Xi, nu, ai, le zhi wei fa, wei zhi zhong. Fa er jie zhong jie, wei zhi he. »
 
Soit :
« Quand le contentement, la colère, la tristesse ou la joie ne sont pas encore déployés on appelle cela centralité
 (zhong). Quand ils sont déployés mais restent équilibrés et modérés en vertu de la centralité, on appelle 
cela harmonie (he). »
Ces deux phrases se rapportent à la personne humaine. La première désigne par centralité l’état qui existe
lorsque les sentiments ne sont pas encore déployés ; l’existence d’un centre ou d’une centralité rend possible
 un équilibrage et une modération du déploiement des sentiments, état que la seconde phrase désigne par
 harmonie. 

3.3 La centralité, l’harmonie et le monde du dessous du ciel.

Le texte passe ensuite au monde du dessous le ciel :
中也者,天下之大本也。和也者,天下之达道也。
« Zhong ye zhe, tian xia zhi da ben ye. He ye zhe, tian xia zhi da dao ye. »
 
Soit:
« La centralité est la grande racine du monde du dessous du ciel ; l’harmonie est sa voie pour s’accomplir. »
Le monde du dessous du ciel (tian xia天下) correspond au monde humain avec  son habitat constitué par le 
sol, l’eau, l’air, les plantes, les animaux et d’autres ressources ; l’harmonie qui est un état pour la personne
 humaine devient ici la voie d’accomplissement pour le monde du dessous du ciel.

3.4 La centralité, l’harmonie et l’univers.

Après le monde du dessous du ciel le texte passe à l’univers :
致中和,天地位焉,万物育焉。
« Zhi zhong he, tian di wei yan, wan wu yu yan. »
 
 
Soit :
« Quand la centralité et l’harmonie sont à leur point suprême, le Ciel et la Terre sont en place et les dix mille
 êtres engendrés. »
Cette dernière phrase du chapitre 1 souligne la puissance de la centralité et de l’harmonie, lorsqu’elles sont 
portées à leur comble. 

3.5 Observations.

 
On note dans ce premier chapitre, l’idée d’une homologie qui peut exister entre la personne humaine, le
 monde sous le ciel et l’univers ; cette homologie consiste en l’existence et l’importance d’un principe appelé
 zhong (centralité) ; c’est le facteur nécessaire pour assurer l’unité de chacune des trois entités : la personne
 humaine, le monde sous le ciel habité notamment par l’être humain et l’univers ; mais il  n’est pas forcément
 le même pour les trois.
Pour l’univers (le ciel, la terre, les dix mille êtres) comme pour le monde sous le ciel les deux facteurs
 importants sont la centralité et l’harmonie ; l’univers est en place dès lors que la centralité et l’harmonie sont 
à leur point suprême ; en ce qui concerne le monde sous le ciel, ses relations avec les deux principes sont d’un 
autre niveau : la centralité est sa racine et l’harmonie est sa voie ; il y a moins d’automatisme que dans le cas 
de l’univers.
Pour la personne humaine le sujet est forcément plus complexe ; l’un des facteurs importants reste la centralité 
mais l’autre n’est plus l’harmonie, qualité qui permet surtout à la personne humaine de contribuer à 
l’établissement d’un monde sous le ciel harmonieux (justement). La comparaison des passages ci-dessous va 
nous permettre de déterminer ce second facteur : 
-         suivre sa nature, on appelle cela la Voie (chap. 1),
-         Accéder à l’authenticité, c’est la Voie de l’homme  (chap. 20, voir ci-dessous),
-         Être l’authenticité, c’est le fait d’être dans la centralité sans effort, d’appréhender sans travail de réflexion,
 de cheminer libre et à l’aise sur la voie du centre ; c’est le cas de la Sainte Personne (chap. 20, voir 
ci-dessous).
Les deux premiers passages montrent que «suivre sa nature» revient à «accéder à l’authenticité» ; le troisième 
passage, qui donne une définition de l’authenticité pour le cas idéal d’une Sainte Personne, permet de conclure 
que la centralité constitue une composante essentielle de l’authenticité mais pas nécessairement la totalité de
celle-ci ; l’authenticité (cheng) se présente donc ainsi comme l’un des deux facteurs importants pour la 
personne humaine, l’autre étant la centralité (zhong中)autrement dit, son cœur ou sa pensée profonde.
Le paragraphe suivant est consacré à l’étude de la notion d’authenticité.

4 La notion d’authenticité.


Cette notion est traitée dans les chapitres 20 à 26 inclus du Zhong Yong; nous allons étudier des passages des 
chapitres 20 et 22 qui sont particulièrement intéressants.

4.1 L’authenticité du Ciel, de la Sainte Personne et celle de l’être humain.

Le chapitre 20, particulièrement développé, débute par une question du duc Ai sur le bon gouvernement ; la
 réponse du Maître à cette question occupe à peu près les 70% de l’espace du paragraphe. C’est une réponse
 concrète abordant de nombreux aspects :
•              un élément essentiel : les hommes ; pour attirer les hommes il faut cultiver sa  personne, pour cultiver
 sa personne il faut cultiver la Voie, on cultive la Voie par la vertu d’humanité…;
•              les cinq relations : entre prince et sujet, entre père et fils, entre époux et épouse, entre frère aîné et
 frère puîné, entre amis ; 
•              les trois capacités : la connaissance, la vertu d’humanité, le courage ;
•              les neuf règles pour diriger les nations sous le ciel : cultiver sa personne, honorer les sages, chérir ses
 proches, respecter les grands officiers, montrer de la compréhension vis-à-vis du corps des mandarins, traiter
 les gens du peuple comme ses enfants, faire venir les artisans des cent corps de métiers, bien traiter les gens
qui viennent de loin, choyer les princes feudataires ; 
•              importance de la préparation : tout ce qui est préparé à l’avance va vers le succès.
 
Après avoir traité de façon détaillée ces sujets, le paragraphe  passe à la notion d’authenticité par une transition
 traduite ci-dessous :
« Si ceux qui sont dans une position inférieure n’obtiennent pas [la confiance] de leurs supérieurs, le peuple ne 
peut être bien gouverné ; obtenir [la confiance] de ses supérieurs, cela a sa voie (ses exigences) : si l’on n’a pas
 la confiance de ses amis , on n’obtient pas [la confiance] de ses supérieurs ; avoir la confiance de ses amis, 
cela a sa voie : si l’on ne s’accorde pas avec ses parents, on n’a pas la confiance de ses amis ; s’accorder avec
 ses parents, cela a sa voie : si, faisant retour sur soi, [on s’aperçoit qu’] on n’est pas authentique, on ne 
s’accorde pas avec ses parents ; accéder à l’authenticité personnelle, cela a sa voie : si l’on n’a pas une claire 
vision du bien, on n’accède pas à l’authenticité. (诚身有道, 不明乎善, 不诚乎身矣. Cheng shen you dao, 
bu ming hu shan, bu cheng hu shen yi. ) »
Nous avons reproduit ci-dessus la phrase en chinois qui correspond à la  dernière phrase, fort  importante, qui 
commence par : accéder à l’authenticité personnelle, 
A partir de ce point, le texte présente, en moins de 140 caractères, la notion d’authenticité :
诚者,天之道也。诚之者,人之道也。  
诚者,不勉而中不思而得从容中道,圣人也。
 
诚之者,择善而固执之者也
博学之,审问之,慎思之明辨之,笃行之。
有弗学,学之弗能,弗措也。
有弗问,问之弗知,弗措也。
有弗思,思之弗得,弗措也。
有弗辨,辨之弗明,弗措也。
有弗行,行之弗笃,弗措也。
 
人一能之,己百之。人十能之,己千之。
果能此道矣,虽愚必明,虽柔必强。
 
« Cheng zhe, tian zhi daoye. Cheng zhi zhe, ren zhi dao ye.
Cheng zhe, bu mian er zhong, bu si er de, cong rong zhong dao, sheng ren ye.
 
Cheng zhi zhe, ze shan er gu zhi zhi zhe ye.
Bo xue zhi, shen wen zhi, shen si zhi, ming bian zhi, du xing zhi.
You fu xue, xue zhi fu neng, fu cuo ye. 
You fu wen, wen zhi fu zhi, fu cuo ye.
You fu si, si zhi fu de, fu cuo ye. 
You fu bian, bian zhi fu ming, fu cuo ye.
You fu xing, xing zhi fu du, fu cuo ye.
 
Ren yi neng zhi, ji bai zhi. Ren shi neng zhi, ji qian zhi.
Guo neng ci dao yi, sui yu bi ming, sui rou bi qiang. »
 
 
Soit :
« L’authenticité, c’est la manière du Ciel. Accéder à l’authenticité, c’est la voie de l’homme.
Être l’authenticité, c’est le fait d’être dans la centralité sans effort, d’appréhender sans travail de réflexion, de 
cheminer libre et à l’aise sur la voie du centre ; c’est le cas de la Sainte Personne.
Celui qui accède à l’authenticité, c’est celui qui choisit le bien et s’y tient fermement.
Il (lui) faudra étudier cela dans toute son ampleur, s’en enquérir dans le détail, y réfléchir avec attention, le 
discerner clairement, le mettre en pratique avec conviction et diligence.
S’il y a des choses qu’on n’étudie pas ou qu’on étudie mais sans parvenir à les  maîtriser, alors on ne 
s’arrêtera pas là en chemin.
S’il y a des choses dont on ne s’enquiert pas ou dont on s’en enquiert mais sans parvenir à les connaître, alors 
on ne s’arrêtera pas là en chemin.
S’il y a des choses sur lesquelles on ne réfléchit pas ou sur lesquelles on réfléchit mais sans parvenir à les 
appréhender, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin.
S’il y a des choses qu’on ne cherche pas à discerner ou qu’on cherche à discerner mais sans parvenir à une 
perception claire, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin.
S’il y a des choses qu’on ne met pas en pratique ou qu’on met en pratique mais sans conviction et diligence, 
alors on ne s’arrêtera pas là en chemin.
Ce que d’autres réussissent en une fois, je le  ferai (si nécessaire) en cent fois. Ce que d’autres réussissent en 
dix fois, je le  ferai (si nécessaire) en mille fois.
Si vraiment on est capable de suivre cette voie, alors à coup sûr, quoique ignorant on deviendra éclairé, 
quoique faible on deviendra fort. »
Commentaires :
Le premier alinéa distingue la manière d’être du Ciel et la voie de l’être humain.
Le second alinéa est consacré au Sheng ren圣人désignation que nous traduisons par Sainte Personne ; il est 
à noter qu’en ce qui concerne l’authenticité, la manière de la Sainte Personne est pratiquement celle du Ciel ; 
la phrase la concernant comme celle concernant le Ciel commencent par  cheng zhe诚者 (L’authenticité ou 
Être l’authenticité) alors que celle qui décrit la situation de l’homme commence par cheng zhi zhe诚之者 
(Celui qui accède à l’authenticité) ; la Sainte Personne n’a aucun effort (de type humain) à faire et tout est 
parfait ; son mode d’action est différent. Cependant considérer ce mode d’action de la Sainte Personne 
comme un élément tendant à montrer que la pensée chinoise est favorable au non-effort serait un malentendu ; 
en effet les penseurs chinois ne s’y trompent pas ; ils savent bien que cette notion de Shengcorrespond à
 une figure théorique pratiquement inaccessible aux hommes de ce monde et que beaucoup d’efforts sont à
 faire ne serait-ce que pour se rapprocher de cette figure.
Les sept phrases suivantes indiquent, en détail, à l’homme ordinaire ce qu’il faut faire pour accéder à
 l’authenticité. Ils constituent un exemple très concret de l’établissement de sa détermination (de son zhi) et 
de sa mise en application, l’ensemble formant un plan d’action qu’on peut décomposer en quatre étapes :
a)      faire son choix (le texte suggère de choisir le bien pour espérer d’accéder à l’authenticité) ;
b)      étudier le sujet dans toute son ampleur, s’en enquérir dans le détail, réfléchir avec attention, discerner 
clairement ;
c)      mettre en application avec conviction et diligence ;
d)      contrôler que les différentes actions : étude, réflexion, …, mise en application ont été effectuées de
 façon complète et correcte, sinon il faudra persévérer dans ses efforts.
 
.
4.2 L’authenticité condition nécessaire pour qu’un humain puisse réaliser sa nature ; possibilités ouvertes par une telle réalisation.
 
Le chapitre 22 en cinq phrases traite de ces sujets importants : 
唯天下至诚为能尽其性。
能尽其性,则能尽人之性。
能尽人之性,则能尽物之性。
能尽物之性,则可以赞天地之化育。 
可以赞天地之化育,则可以与天地参矣。
 
« Wei tian xia zhi cheng wei neng jin qi xing.
Neng jin qi xing, ze neng jin ren zhi xing.
Neng jin ren zhi xing, ze neng jin wu zhi xing.
Neng jin wu zhi xing, ze ke yi zan tian di zhi hua yu.
Ke yi zan tian di zhi hua yu, ze ke yi yu tian di can yi. »
 
Soit :
« Seul celui dont l’authenticité atteint le niveau le plus élevé sous le ciel est capable de faire déployer
 complètement sa nature. 
Etant capable de faire déployer complètement sa nature, il est capable de faire déployer complètement la 
nature des autres hommes.
Etant capable de faire déployer complètement la nature des autres hommes, il est capable de faire déployer 
complètement la nature des autres existants.
Etant capable de faire déployer complètement la nature des autres existants, il peut aider à la transformation et 
au nourrissement effectués par le Ciel et la Terre.
Pouvant aider à la transformation et au nourrissement effectués  par le ciel et la terre, il peut avec le Ciel et la 
Terre former un Groupe Ternaire. »
 
Le passage du chapitre 20 étudié au paragraphe précédent traite d’une part de la manière d’être l’authenticité 
en elle-même et d’autre part de la façon d’y accéder ; le présent texte part d’un état d’authenticité ayant atteint
 le niveau le plus élevé sous le ciel et traite des possibilités ouvertes par une telle réalisation. Même s’il parle  
 d’un niveau d’authenticité le plus élevé sous le ciel, rien n’indique qu’il s’adresse nécessairement à la Sainte 
Personne, décrite ci-dessus, pour qui tout marche bien sans effort ; bien au contraire, comme par cinq fois le
 texte n’indique qu’une capacité, une possibilité de réaliser quelque chose, il est raisonnable de considérer
 qu’il s’adresse (aussi) à l’être humain ordinaire ; cet habitant du dessous du ciel, après avoir accédé à 
l’authenticité peut choisir d’aider à la transformation et au nourrissement des autres existants effectués par le 
Ciel et la Terre (天地, tian di) ; il a ainsi un rôle très important.
Mais l’expression « le Ciel et la Terre » (天地, tian di)  peut donner lieu à des interprétations différentes.
Si l’on considère qu’elle désigne la nature matérielle, alors le texte dit simplement que l’homme peut contribuer
à l’évolution de cette nature, en ayant une attitude amicale vis-à-vis d’elle, attitude assez  éloignée de l’idée de 
onquête ou de domination.
Mais une autre interprétation est possible comme le montre, par exemple, la traduction du passage ci-dessus
par J.Legge :
« It is only he who is possessed of the most complete sincerity that can exist under heaven, who can 
give its full development to his nature. Able to give its full development to his own nature, he can do 
the same to the nature of other men. Able to give its full development to the nature of other men, he
 can give their full development to the natures of animals and things. Able to give their full 
development to the natures of creatures and things, he can assist the transforming and nourishing
 powers of Heaven and Earth. Able to assist the transforming and nourishing powers of Heaven and 
Earth, he may with Heaven and Earth form a ternion. »
J. Legge  traduit ainsi « 天地tian di » par « Heaven and Earth »; Heaven au singulier avec la lettre ‘h’ 
majuscule désigne Dieu ou la Providence. Il a ainsi tendance  à faire une interprétation de type « transcendant »
 ; cette disposition  est confirmée par sa remarque indignée déjà notée par Jullien : « What is it but
 extravagance thus to file man with the supreme Power ? », soit : « C’est quoi si ce n’est de
 l’extravagance que de mettre sur le même rang l’homme et le Pouvoir suprême ? ».

5. Conclusions .


Pour le Zhong yong (L’Application constante de la centralité) comme pour le Da xue (Le Grand apprentissage), la mission essentielle de la personne humaine consiste à cultiver sa personne. Cette culture de soi, le Zhong yong la voit comme la réalisation de sa nature et réaliser sa nature revient à accéder à l’authenticité.
Bien entendu, la nature de l’homme n’est pas définie de façon fixe une fois pour toute ; elle constitue plutôt un 
thème de recherche, de réflexion et d’action ouvert.
Ce caractère ouvert de l’œuvre est mal représenté par certaines traductions en langues occidentales du titre 
Zhong yong telles que L’invariable milieu,  traductions influencées par l’interprétation donnée par Zhu Xi 
au 12ème siècle.
Le caractère zhong du titre Zhong yong peut signifier aussi bien «milieu » que « fond du cœur » ; cette richesse
 de sens permet au titre Zhong yong de représenter correctement le caractère ouvert de l’œuvre. Notre
 proposition de traduire Zhong yong par L’application constante de la centralité met à profit le fait que le 
mot « centre » (ou « centralité ») en  français est presque aussi riche en sens que le mot « zhong » en chinois
 ; ceci conduit  à un titre traduit présentant presque autant d’ouverture que le titre d’origine.
Le monde du dessous du ciel (tian xia天下), qui correspond au monde humain avec  son habitat constitué par
 le sol, l’eau, l’air, les plantes, les animaux et d’autres ressources, a besoin de la centralité (Chartes, Lois 
nationales, internationales…) et de l’harmonie pour pouvoir s’organiser et se maintenir. 
Les personnes humaines de leur côté, ne sont pas des éléments destinés à la constitution de sociétés humaines ;
 chacune a sa propre  centralité constituée par son cœur, sa pensée qui existent par eux-mêmes et pour
 eux-mêmes ; elle a aussi pour mission essentielle de réaliser sa propre nature. Un texte, écrit il y a plus de 
deux mille ans, nous le dit.
 
 
 
Bibliographie :
-Couvreur S., trad., Les quatre Livres, Taichung, Taiwan, Kuangchi Press, 1972 (réédition), 750 p.
-Jullien François, Zhong Yong ou la régulation à usage ordinaire, Paris, Imprimerie Nationale Editions, 1993, 196P.
-Le Blanc Charles et Mathieu Rémi, Philosophes confucianistes, Paris, Editions Gallimard, 2009, 1470 p.
-Legge James, trad., The Chinese Classics in five volumes.VolumeI: Confucean Analects,The Great Learning and The Doctrine of the Mean ( Les Entretiens de Confucius, la Grande Etude et La Doctrine du Milieu) , 504p;  réédition, Hong  kong, Hong kong University Press,1960.
-Li Angang李安钢, trad. sous la dir. de, Li jing礼经 , Livre canonique des Rites, ( sous ce titre l’ouvrage comprend en fait Le Grand apprentissage, L’Application constante de la centralité, Zhong yong et 13 autres chapitres du Li ji, Traité des Rites) en chinois classique avec traduction en chinois moderne,  Beijing, Zhonguo shehui chubanshe, 1999, 306p.



[1] Pour éviter d’avoir deux niveaux de guillemets, nous ne mettons pas « Mon maître Tch’eng tzseu dit : » entre guillemets, bien qu’elle fait partie aussi de la citation.
[2] Pour une question de commodité nous utilisons la subdivision en chapitres avec leur numérotation comme on les trouve notamment dans les ouvrages de S. Couvreur et de F. Jullien.
[3] En français l’emploi du mot « centre » pour désigner  la « vie intérieure » est rare mais existe ; ainsi le Trésor de la Langue Française donne l’exemple: « Elle ne voit rien, elle ne regarde pas : l'enfant a bougé!... Ployée sur lui, elle écoute résonner, au centre d'elle-même, l'écho de ce tressaillement douloureux qui l'emplit d'une joie anxieuse …» R. MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, p. 188.
[4] Li est souvent traduit par rites mais il convient de noter que, pour le Xunzi, chap.27, « Le li prend comme racine la concordance avec le cœur humain, … »; pour cette raison, nous convenons de traduire li par l’expression: « bienséance authentique » ou pour faire court : « bienséance », ce mot désignant le caractère de quelque chose qui convient ou cette chose elle-même. Voir ci-dessous à la section consacrée à l’étude du Xunzi.

[5] De la même manière, en remplaçant dans les 7 phases du Zhong Yong ci-dessus « la centralité » par « sa pensée profonde », on voit mieux l’intérêt de cette interprétation.

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